DRAGON ROUGE (2002)

Suite au succès du Silence des Agneaux et de Hannibal, cette prequel s'imposait… Même si elle souffre de la comparaison avec la version de Michael Mann

RED DRAGON

2002 – USA

Réalisé par Brett Ratner

Avec Anthony Hopkins, Edward Norton, Ralph Fiennes, Harvey Keitel, Emily Watson, Mary-Louise Parker, Philip Seymour Hoffman 

THEMA TUEURS CANNIBALES I SAGA HANNIBAL LECTER

Le Sixième Sens de Michael Mann n’ayant connu qu’un petit succès d’estime malgré ses grandes qualités, Dino de Laurentiis décida d’en produire un remake en 2002, profitant des triomphes au box-office du Silence des Agneaux et d’Hannibal. D’où ce Dragon Rouge, censé compléter de manière cohérente la trilogie des aventures du cannibale Hannibal Lekter en donnant à nouveau la vedette à Anthony Hopkins. L’idée n’est pas plus mauvaise qu’une autre, si ce n’est que le considérable échec artistique d’Hannibal n’incitait guère à l’enthousiasme. D’autant qu’après les prestigieux Michael Mann, Jonathan Demme et Ridley Scott, la réalisation de Dragon Rouge fut confiée à Brett Ratner, dont les seuls titres de gloire furent quelques clips ainsi qu’un éléphantesque Rush Hour avec Jackie Chan et Chris Tucker.

Étrangement, Ratner ne cherche pas à se distinguer ici par l’effet de style à tout prix ou la nervosité héritée de la génération MTV. Au contraire, sa mise scène joue la carte du classicisme efficace mais sans invention, empruntant la plupart de ses idées à ses prédécesseurs. Les séquences mettant en scène le profiler du FBI Will Graham et le tueur de la pleine lune singent sans vergogne celles de Michael Mann, parfois au découpage près, tandis que les scènes d’Hannibal Lekter s’inspirent largement de celles de Jonathan Demme, imitant la direction artistique et le montage du Silence des Agneaux. Le scénario lui-même est une copie conforme de celui du Sixième Sens, à l’exception d’un prologue racontant l’arrestation d’Hannibal Lekter par Will Graham.

Un casting prestigieux ne suffit pas

Mais l’absence d’ambition artistique de ce remake se ressent surtout à travers la direction de ses acteurs. Car rarement casting aussi prestigieux aura été autant sous-exploité. Anthony Hopkins, dont chaque regard glaçait d’effroi dans Le Silence des Agneaux, se repose ici sur ses acquis avec décontraction et sans se soucier de la moindre demi-mesure. L’excellent Edward Norton s’avère bien fade dans le rôle de Will Graham, tout comme l’immense Harvey Keitel, assurant le strict minimum en interprétant le directeur du FBI Jack Crawford. Quant à Ralph Finnes, qui s’avérait terrifiant dans La Liste de Schindler, il faut avouer qu’il laisse indifférent en tueur psychopathe, malgré l’atrocité des actes que l’on attribue à son personnage. Jamais on ne retrouve ici l’intensité du jeu de Tom Noonan dans Le Sixième Sens, notamment au cours de son éprouvante confrontation avec l’infortuné journaliste. Cet état de fait s’applique aussi aux personnages féminins, plus en retrait, notamment Mary-Louise Parker qui joue l’épouse de Graham et Emily Watson en jeune aveugle qui se laisse séduire par le tueur. Bref chacun est ici très en deçà de son immense potentiel, prouvant une fois de plus que la multiplication de têtes d’affiche ne permet aucun miracle si le réalisateur n’y met pas du sien. Après tout, aucun des acteurs du Sixième Sens n’était célèbre en 1986, et la qualité du film n’en souffrit guère. Dragon Rouge est donc l’archétype du remake inutile, propre sur lui et sans bavures, mais pâlissant considérablement à la lumière de son  magistral modèle.

 

© Gilles Penso

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