LA FEMME SUR LA LUNE (1929)

Après Metropolis, Fritz Lang décline une autre thématique clé de la science-fiction en transportant ses héros dans l'espace

FRAU IM MOND

1929 – ALLEMAGNE

Réalisé par Fritz Lang

Avec Wiilly Fritsch, Gerda Maurus, Klaus Pohl, Fritz Rasp, Gustl Gstettenbaur, Gustav von Wangenheim, Tilla Durieux

THEMA SPACE OPERA

Dernier film muet de Fritz Lang, La Femme sur la Lune s’inspire d’un roman de Thea Von Harbou, alors épouse du cinéaste, et réutilise des idées non retenues pour l’une des premières versions de Metropolis, dans laquelle le héros s’envolait vers les étoiles. « Pour le génie humain, rien n’est impossible, tout est question de temps », nous annonce un carton en début de film. Nous faisons alors connaissance avec le vieil astronome Georg Manfeldt (Klaus Pohl), tombé dans la misère depuis le discrédit que lui apporta en 1896 sa théorie sur la teneur en or des montagnes lunaires. « Votre cerveau est inversement proportionnel à votre sénilité » avait-il alors rageusement déclaré à ses confrères moqueurs.

Un jour, son ami Wolf Helius (Willy Fritsch) lui annonce sa décision de partir vers la Lune pour prouver sa théorie. Mais des hommes d’affaire déterminés et appâtés par le gain dérobent le précieux manuscrit de Manfeldt, fruit d’années de labeur et de recherches, ainsi que le contenu du coffre-fort d’Helius, à l’intérieur duquel se trouvaient les images filmées par une fusée d’exploration lancée vers la Lune. Pour éviter que ses travaux ne soient détruits, Helius accepte de s’embarquer pour le compte des puissants malfaiteurs à bord d’une fusée de son invention. Il dirige un équipage composé du professeur Manfeldt, d’un des malfrats, le sinistre Turner (Fritz Rasp), mais aussi de l’étudiante en astronomie dont il est follement épris, Friede (Gerda Maurus), et de l’homme qu’elle a choisi d’épouser, Windegger (Gustav von Waggenheim). Face à la presse et à la foule en délire, le vaisseau spatial s’apprête à s’élever dans les cieux… 

« Pour le génie humain, rien n'est impossible… »

Incroyablement prophétiques si l’on considère les connaissances en astrophysique de l’époque, les visions du compte à rebours, du décollage de la fusée et de la séparation de la capsule spatiale à mi-parcours font indiscutablement de La Femme sur la Lune le premier film de « hard science ». Les effets spéciaux remarquables d’Oskar Fischinger et Konstantin Tschetwerikoff, mélange de portions de décor grandeur nature, de maquettes et de trucages optiques, sont ainsi guidés par une extrême rigueur scientifique. En quête de réalisme, Fritz Lang demande conseil à Hermann Oberth, un spécialiste en aéronautique qui décidera quelques années plus tard de mettre son savoir au service des nazis. Après un voyage mouvementé, l’aspect documentaire du récit s’estompe peu à peu au profit du mélodrame, dans la mesure où les rivalités amoureuses et les trahisons s’exacerbent sur la Lune. Mais l’intérêt du film n’en est pas émoussé pour autant, grâce aux perpétuelles inventions d’un cinéaste au sommet de son art, et à une direction artistique de haut niveau muant notre satellite naturel en décor de pure fantaisie à l’atmosphère tout à fait respirable, riche en marécages bouillonnants, en rochers escarpés et en cavernes souterraines. Il n’est d’ailleurs pas exclu que le dessinateur Hergé se soit largement inspiré de ce classique de la science-fiction pour concocter vingt ans plus tard deux des aventures les plus célèbres de Tintin, « Objectif Lune » et « On a Marché sur la Lune ».

 

© Gilles Penso

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