METROPOLIS (1927)

L'un des plus grands films de science-fiction de tous les temps, prophétique, vertigineux et bardé de paradoxes

METROPOLIS

1927 – ALLEMAGNE

Réalisé par Fritz Lang

Avec Brigitte Helm, Gustav Frölich, Rudolph Klein-Rogge, Alfred Abel, Fritz Rasp

THEMA FUTUR I ROBOTS

On n’en finirait pas de citer les images fortes qui ponctuent Metropolis et qui, aujourd’hui encore, le hissent au statut de chef d’œuvre visionnaire. La métropole du 21ème siècle que nous décrit Fritz Lang est bardée de paradoxes. L’influence des buildings modernes et lumineux de la ville de New York se mêle avec celle des austères et titanesques architectures staliniennes. Dans cette gigantesque cité, les gratte-ciels babyloniens sont reliés par des ponts autoroutiers et survolés par des avions. C’est là que vivent les « dominants », élite d’une société qui regarde le ciel pour ne pas se soucier de ce qui se passe sous-terre. Là, les ouvriers s’abrutissent au rythme de machines cyclopéennes. Déshumanisés, réduits à l’état de simples rouages d’une société qui les use et les épuise, ce sont les « dominés ». Charlie Chaplin s’en souviendra lorsqu’il fusionnera dix ans plus tard l’homme et l’engrenage dans Les Temps Modernes

Dans ce monde cauchemardesque et pourtant tellement tangible, le savant Rothwang invente une femme-robot qui a pour mission de détourner les opprimés de leur révolte. Brigitte Helm s’avère étonnante dans le double rôle de Maria (image d’évangile dont le prénom n’a évidemment pas été choisi au hasard) et de son double robotique Futura (strip-teaseuse à ses heures, pour laquelle les hommes se suicident ou s’entretuent). Plusieurs visions bibliques dignes des gravures de Gustave Doré ponctuent le film, comme le dieu Moloch et ses esclaves (symbole de la machine et des ouvriers), l’édification de la tour de Babel (avec un millier de figurants chauves qui influenceront sans doute George Lucas pour son THX 1138), les statues de la Mort et des sept péchés capitaux qui s’animent soudain, le déluge  qui engloutit la cité ou encore le bûcher de la fausse Maria. 

« Entre le cerveau et la main, le médiateur doit être le cœur… »

Le message récurrent du film demeure : « entre le cerveau et la main, le médiateur doit être le cœur ». Cet adage nous renvoie directement aux téfilines, ces lanières de cuir abritant des textes sacrés qui relient la tête, le bras et le cœur et que chaque Juif, selon la Thora, doit porter avant de commencer toute activité de la journée. C’est un précepte universel, que Fritz Lang regretta pourtant plus tard d’avoir employé avec tant d’insistance et de simplicité dans le film. Ce ne fut pas le seul problème que connut le cinéaste sur Metropolis, objet d’une curieuse relation d’amour/haine durable et persistante. Comment pourrait-il en être autrement lorsqu’on découvre à quel point le récit tente de faire cohabiter deux idéologies aux antipodes, subissant la double influence de sa scénariste Théa Von Harbou, future sympathisante nazie, et de Lang qui s’exilera aux USA pour fuir l’hitlérisme ? La propagande fasciste transparaît à travers le soulèvement ouvrier dont les conséquences sont catastrophiques (l’ordre établi s’avérant plus stable et rassurant que cette rébellion sauvage et désordonnée), tandis que la croisade humaniste se reflète dans la volonté d’élever la main d’œuvre au même rang que les patrons. Ces vents contraires, au lieu d’amenuiser l’impact de Metropolis, renforcent au contraire son caractère prophétique, en une période trouble mêlant l’espoir d’un monde meilleur et l’anticipation des heures les plus sombres de l’humanité.

 

© Gilles Penso

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