SAN KU KAI (1978)

Echec cuisant au Japon, San Ku Kaï s'est transformé en objet de culte pour toute une génération de téléspectateurs français

UCHÛ KARA NO MESSÊJI – GINGA TAISEN

1978 – JAPON

Créée par Shotaro Ishimuri 

Avec Hiroyuki Sanada, Akira Oda, Ryo Nishida, Yoko Akitani, Iwao Tabuchi, Asao Koike

THEMA SPACE OPERA

À l’annonce de la sortie imminente de La Guerre des Etoiles sur le territoire japonais, le studio Toei décide de surfer sur la vague du space opera en produisant le très ambitieux Les Evadés de l’Espace, réalisé par Kinji Fukasaku et garni d’effets spéciaux sophistiqués que supervise Nobuo Yajima. Le succès du film est suffisant pour motiver une séquelle sous forme de série télévisée : Uchû kara no messêji – Ginga taisen (dont le titre international sera Message From Space Galactic Wars). Le mot « séquelle » est cependant un peu abusif, dans la mesure où l’intrigue de la série n’a rien à voir avec celle du film et que les personnages ne sont plus les mêmes. Les seuls véritables points communs sont une partie des vaisseaux spatiaux (et de nombreux plans repris directement au film), l’inspiration omniprésente de La Guerre des Etoiles et le comédien Hiroyuki Sanada. Ce dernier incarne dans la série le jeune Shiro (Hayato en version française), originaire de la planète Analis, qui se lie d’amitié avec une sorte d’émule de Han Solo baptisé Ryu et incarné par Akira Oda. Tous deux luttent contre les redoutables Gavanas (ou Stressos en VF) qui sèment la terreur dans toute la galaxie. Ils sont aidés dans leur combat par l’homme singe Baru (Siman en français), amateur de cigarillos et joué par Ryo Nishida, par le robot bavard Sidero et par la belle blonde Sophia (Eolia chez nous) qui vogue dans un navire spatial aux allures de voilier. 

Malgré la linéarité répétitive de l’intrigue, des combats acrobatiques un peu caricaturaux, des monstres caoutchouteux dignes d’Ultraman et quelques costumes improbables (les tenues de ninja des deux héros avec des lunettes de ski, des résilles blanches et des foulards sahariens sont assez surprenantes !), la série est irrésistiblement divertissante. Ses effets visuels sont souvent très impressionnants, sa direction artistique originale (les chefs des Stressos portent d’étonnantes armures de samouraïs cosmiques) et le récit multiplie les cliffhangers s’acheminant vers un grand final en forme de twist. Pourtant, le spectacle ne convainc guère le public japonais et la diffusion s’interrompt après 27 épisodes, soit deux fois moins que ce qui était initialement planifié.

Ravalement de façade

Lorsque Jacqueline Joubert, alors directrice des programmes d’Antenne 2, découvre des extraits de la série, elle est immédiatement séduite et sait que les jeunes téléspectateurs français, à qui elle avait fait découvrir Goldorak un an plus tôt, sauront lui réserver l’accueil qu’elle mérite, moyennant quelques réadaptations. Outre le nom des personnages, le titre est modifié (c’est Bruno-René Huchez, patron de la compagnie IDDH, qui choisit San Ku Kaï) et la musique entièrement réécrite. Le chanteur Eric Charden, qui triomphait alors dans les hit-parades en accumulant les disques d’or, est donc chargé de remplacer la bande originale de Shunsuke Kikuchi. Malgré la naïveté des paroles écrites par Didier Barbelivien, la chanson que Charden a composé pour le générique reste aujourd’hui encore une référence, mêlant des sonorités disco (une ligne de basse ultra dynamique, une section rythmique syncopée, des riffs de guitare nerveux), des nappes électroniques, des chœurs graves et des claquements de castagnettes. Ce générique d’anthologie s’assortit de quatre morceaux tout autant déroutants par leur approche atypique : le martial « La Guerre », le psychédélique « Les Trois Etoiles » et l’envoûtant « Eolia » pour piano et synthétiseur. Ce ravalement de façade s’avère payant : lorsque San Ku Kaï fait son apparition sur les petits écrans français le 15 septembre 1979, le succès est colossal, à tel point qu’une flopée de produits dérivés accompagne bientôt le programme. Totalement oubliées au Japon, les aventures d’Hayato et Ryu contre le maléfique Golem XIII font paradoxalement partie de la culture populaire française depuis la fin des années 70 et ne semblent pas prêtes d’en disparaître.
 
© Gilles Penso

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