BUG (2006)

En adaptant une pièce de Tracy Letts, le réalisateur de L'Exorciste nous plonge dans un huis-clos cauchemardesque

BUG

2006 – USA

Réalisé par William Friedkin

Avec Lorem Ashley Judd, Michael Shannon, Lynn Collins, Brian F. O’Byrne, Harry Connick Jr

THEMA INSECTES ET INVERTÉBRÉS

Bug est une œuvre déroutante, atypique et résolument originale, mais pour en apprécier les qualités, il faut absolument éviter de la placer dans le prolongement de pièces maîtresses du cinéma d’épouvante dont elle semble pourtant à priori se rattacher, comme Les Insectes de Feu, Phase IV ou encore La Mouche. Même Kafka et sa cafardeuse « Métamorphose » sont éloignés des propos de Bug, qui adapte une pièce de théâtre new-yorkaise créée en 2004 par Tracy Letts, lequel fut sollicité par William Friedkin pour écrire lui-même le scénario du film. On ne s’étonne pas outre mesure, dès lors, de constater que les protagonistes se comptent sur les doigts d’une main et que leur espace de jeu se résume essentiellement à l’intérieur exigu d’un motel décrépi. 

Dans un rôle en rupture nette avec sa filmographie précédente, Ashley Judd (Le Collectionneur) incarne Agnes, une serveuse qui ne s’est jamais remise de la disparition de son jeune fils quelques années plus tôt. Solitaire et quelque peu dépressive, elle est en outre tourmentée par son violent ex-mari Jerry tout juste sorti de prison (Harry Connick Jr). Les coups de fils anonymes qu’elle reçoit régulièrement ne font que menacer son équilibre déjà fort instable. Aussi, lorsque son amie R.C. (Lynn Collins) lui présente Peter (Michael Shannon), un homme étrange et taciturne, Agnes s’attache à lui comme à une bouée de sauvetage. Ancien soldat posté en Irak, Peter semble être revenu de la guerre avec bon nombre de fêlures. La paranoïa est désormais intrinsèquement liée à tous ses faits et gestes. Lorsqu’il commence à voir grouiller un peu partout dans la chambre d’Agnes des insectes minuscules, son comportement obsessionnel prend une tournure franchement inquiétante. Persuadé que des centaines d’aphides rampent sous sa peau pour y pondre leurs œufs, il en vient à se demander si ce n’est pas le gouvernement américain lui-même qui les a injectés dans son épiderme pour quelque expérience secrète… Sans doute son état nécessite-t-il l’intervention urgente d’un psychiatre. Mais dans ce cas, comment se fait-il qu’Agnes aussi puisse voir ces insectes ? Sont-ils réels ou le fruit d’une hallucination collective ? Et si la paranoïa était contagieuse ? 

Une mise en scène brute et rugueuse

Les questions soulevées par le scénario tourmenté de Tracy Letts sont pour le moins intrigantes, et la justesse des comédiens sert admirablement le propos. Friedkin lui-même réfrène les effets de style trop marqués pour revenir à la mise en scène brute et rugueuse d’œuvres telles que French Connection ou Le Convoi de la Peur. Mais le film finit rapidement par tourner à vide, hésitant entre plusieurs genres sans parvenir à se décider :  l’horreur, la romance, l’humour noir, le drame, le thriller… L’exercice semble finalement un peu vain, d’autant que son austérité et sa théâtralisation passent difficilement le cap de la scène à l’écran. Et puis, sans aller jusqu’aux excès gore du final de Creepshow, William Friedkin aurait quand même pu nous laisser entrer furtivement dans la subjectivité de ses personnages tourmentés et nous  offrir quelques visions insectoïdes dignes de ce nom. Or ici, aucun invertébré ne montre jamais le bout de ses mandibules, si l’on excepte quelques fractions de secondes empruntées à des films d’archives en macro. Pour un film qui s’appelle Bug, c’est tout de même un comble !
 
© Gilles Penso

Partagez cet article