JE SUIS UNE LÉGENDE (1964)

La première - et sans doute la meilleure - adaptation du classique de Richard Matheson avec un Vincent Price halluciné…

L’ULTIMO UOMO DELLA TERRA / THE LAST MAN ON EARTH

1964 – ITALIE / USA

Réalisé par Ubaldo Ragona et Sidney Salkow

Avec Vincent Price, Franca Bettoia, Emma Danielli, Giacomo Rossi-Stuart, Umberto Rau, Christi Courtland, Antonio Corevi

THEMA VAMPIRES

Dès sa sortie en 1954, le roman « Je suis une légende » de Richard Matheson s’est propulsé au rang de classique de la science-fiction, s’inscrivant dans le même courant post-apocalyptique que John Wyndham dans « La Révolte des Triffides » ou Robert Merle avec « Malevil ». Adaptation fidèle de cette impérissable fable pessimiste, le film homonyme d’Ubaldo Ragona et Sidney Salkow aborde donc lui aussi le thème du vampirisme sur fond de fin du monde et d’apocalypse. Suite à une monstrueuse épidémie planétaire, la race humaine a été éradiquée de la surface de la Terre, à l’exception d’un seul homme, le docteur Robert Morgan. Celui-ci a en effet été immunisé contre le vampirisme suite à la morsure d’une chauve-souris contaminée tandis qu’il travaillait en Amérique Centrale plusieurs années plus tôt. Tristement privilégié, le voilà devenu le dernier homme vivant sur la planète, en butte à des cadavres récalcitrants transformés en vampires assoiffés de sang.

Je suis une légende 64 - photo

Ôtant au mythe classique du vampirisme ses atours paranormaux afin de l’inscrire pleinement dans la science-fiction, le texte de Matheson insistait sur les nombreuses recherches scientifiques effectuées par son anti-héros pour comprendre le métabolisme des monstres, détournant du même coup les fameuses règles établies par Bram Stoker dans « Dracula ». D’où des réflexions généralistes telles que « tout ce qui les concernait était décidément bizarre : le fait qu’ils se cachent le jour, qu’ils évitent l’ail, qu’il faille les exterminer avec un pieu, l’effroi que leur inspirait la vue d’une croix, leur supposée terreur à l’endroit des miroirs… » Le film, lui, se concentre surtout sur l’organisation drastique que Morgan s’impose quotidiennement pour survivre et éviter la folie. Vincent Price, impeccable comme toujours, campe ce héros désabusé et épuisé.

L'ancêtre de La Nuit des Morts-Vivants ?

Loin des standards capés aux dents longues, les vampires se comportent ici comme des zombies. Vêtus comme le jour de leur mort, le teint blafard, la démarche traînante, les gestes désordonnés, ils assaillent toutes les nuits la maison de Morgan, faisant écho aux sombres avertissements proférés par le héros de Matheson : « voulez-vous ramper hors de la tombe tels des monstres vomis par l’enfer ? ». George Romero s’en inspirera très explicitement lorsqu’il réalisera quatre ans plus tard sa célèbre Nuit des Morts-Vivants. Les deux films baignent dans le même désespoir désenchanté et le même réalisme cru. Car ici, toute stylisation est évacuée. Les décors sont réels, la lumière naturaliste, la caméra sur le qui-vive, et cet aspect pseudo-documentaire renforce le cauchemar de la situation. Co-production américano-italienne, Je suis une Légende évoque aussi par moments certains exercices d’épouvante de Mario Bava ainsi que la série des adaptations d’Edgar Poe par Roger Corman où Vincent Price tient justement la vedette, en particulier dans cette scène éprouvante où l’épouse de Morgan, fraîchement enterrée, revient lui rendre visite sous forme de cadavre ambulant. Le film s’achève sur un final nihiliste et désespéré, qui trouvera lui aussi un écho dans le chef d’œuvre de George Romero.

 
© Gilles Penso

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