LA MAUVAISE GRAINE (1956)

Ne vous fiez pas à son regard d'ange : voici l'ancêtre de tous les enfants maléfiques de l'histoire du cinéma !

THE BAD SEED

1956 – USA

Réalisé par Mervyn LeRoy 

Avec Patty McCormack, Nancy Kelly, Henry Jones, William Hopper, Eileen Heckart, Jesse White, Evelyn Varden

THEMA ENFANTS

Tiré de la pièce de théâtre homonyme de Maxwell Anderson, La Mauvaise Graine est le mètre étalon du film mettant en scène un enfant maléfique, la référence indiscutable en la matière. « Pour la petite Rhoda, le meurtre est un jeu d’enfant » déclarait l’affiche de l’époque, annonçant ainsi la couleur. Fille du respectable colonel Kenneth Penmark et de la douce et pédagogue Christine, Rhoda est une gamine de huit ans qui présente toutes les caractéristiques de l’enfant modèle. Polie, intelligente, bonne élève, coiffée de nattes et vêtue de jolies robes printanières, elle fait la fierté de son entourage. La gardienne Monica, notamment, se laisse tant attendrir par Rhoda qu’elle la gâte sans vergogne. 

Mauvaise Graine photo
Mais très tôt, on sent bien que quelque chose cloche. Les premiers indices nous sont livrés par la partition d’Alex North, qui tisse autour de la comptine « Au clair de la lune » d’inquiétantes variations. Christine elle-même nourrit un étrange pressentiment sans pouvoir le définir clairement. Le drame se noue au cours d’un pique-nique pour enfants. Claude, un petit garçon de huit ans, y meurt noyé. La thèse de l’accident est adoptée à l’unanimité, mais certains détails s’avèrent troublants. Notamment la médaille d’or de dissertation, que portait le malheureux et qui a disparu. Une médaille que convoitait ardemment Rhoda. Au fond d’elle, Christine sait l’atroce vérité : sa petite fille a frappé Claude à coups de pieds et l’a noyé elle-même ! Mais aucune preuve ne vient confirmer cette hypothèse, et Rhoda échafaude des mensonges à la perfection. Seul Leroy, homme à tout faire simple d’esprit, a tout de suite vu clair dans le jeu de la tueuse en jupette. « Elle peut bien se faire admirer et adorer par tout le monde, avec ses airs d’ange descendu sur la Terre », marmonne-t-il. « Mais avec moi ça ne prend pas ! »

Les racines du mal

Plus l’intrigue avance, plus l’angoisse grandit, d’autant que Rhoda semble avoir déjà assassiné par le passé une vieille voisine afin de récupérer une boule de cristal. La jeune « héroïne » personnifie ainsi le caprice poussé à son paroxysme. Un terrible secret de famille vient bientôt porter un semblant d’explication, posant en substance la question de l’origine du mal. Est-il héréditaire ou contextuel ? Inné ou acquis ? Passionnant d’un bout à l’autre, doté d’une écriture excellente et d’acteurs forts convaincants, La Mauvaise Graine souffre en revanche d’une mise en scène excessivement académique, n’osant jamais trahir le matériau théâtral initial au point de privilégier à outrance les plans-séquence statiques, les cadres larges et les dialogues démonstratifs. Mervyn LeRoy assure ainsi le service minimum, et l’on rêve de ce qu’un Alfred Hitchcock ou un Orson Welles auraient pu tirer d’un tel récit. Autre regret : un dénouement bizarre qui multiplie les rebondissements vaudevillesques avant d’asséner au public une chute moralisatrice de fort mauvais aloi. A vrai dire, le film aurait gagné à s’arrêter une séquence plus tôt. Malgré ces réserves, La Mauvaise Graine mérite pleinement son statut de classique et engendra une effrayante descendance de têtes blondes homicides.
 
© Gilles Penso

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