PLEASANTVILLE (1998)

Gary Ross démarre en force sa carrière de metteur en scène avec cette satire colorée du racisme et du conformisme

PLEASANTVILLE

1998 – USA

Réalisé par Gary Ross

Avec Tobey Maguire, Jeff Daniels, Joan Allen, William H. Macy, Reese Witherspoon, J.T. Walsh, Don Knotts

THEMA CINEMA ET TELEVISION I MONDES PARALLÈLES ET MONDES VIRTUELS

Gary Ross fait ses débuts de metteur en scène avec Pleasantville, mais il n’est pas nouveau venu dans l’univers hollywoodien. Scénariste talentueux, il est notamment l’auteur de Président d’un jour, de Mr. Baseball et de Big (co-écrit avec Anne Spielberg, la sœur de Steven). Ces œuvrettes intelligentes et pétillantes le préparent à sa première réalisation, dont il écrit également le script, prenant à revers les codes traditionnels de la comédie américaine pour jouer le jeu de la mise en abîme. Quelques années avant de s’engoncer dans la combinaison bicolore de Spider-Man, Tobey Maguire incarne David, un jeune homme naïf et rêveur qui ne raterait pour rien au monde un épisode de « Pleasantville », une sictom en noir et blanc des années 50. Un soir, un mystérieux réparateur de télévision (Don Knotts) rend visite à David et à sa sœur Jennifer (Reese Witherspoon), leur confiant une télécommande qui leur permet soudain de traverser l’écran. Et les voilà immergés dans l’univers sirupeux et achrome de cette série TV surannée. Bien que passablement désarçonné, David est là en terrain connu. Mais comment Jennifer, plus portée sur MTV que sur les soap-opéras rétros, va-t-elle pouvoir s’adapter à cet univers aseptisé ? 
Pleasantville photo

La télévision agit ici comme un tunnel entre deux mondes qui, à priori, n’auraient jamais dû se rencontrer, l’un étant le miroir déformant et fantasmé de l’autre. Et lorsque Jennifer, acceptant de jouer le jeu au cours d’un rendez-vous galant, fait découvrir le sexe à son partenaire, tout l’univers de Pleasantville se détraque. La visualisation de ce dérèglement est un véritable coup de génie : une touche de couleur dans un monde uniformément noir et blanc. Dès lors, chaque fois que la subversion ou l’anticonformisme montrent le bout de leur nez, les teintes vives éclosent un peu partout : une rose rouge, un chewing-gum rose, une voiture verte, un peigne jaune… La beauté de cette idée narrative et la perfection des effets numériques ne rendent que plus puissant le message véhiculé par un scénario résolument surprenant, qu’on pourrait simplifier en ces termes : « vive la différence ! » Du coup, même s’il n’a rien d’un film de science-fiction spectaculaire, Pleasantville est à l’époque le long-métrage contenant le plus de plans truqués de l’histoire du cinéma (environ 1700, supervisés par Chris Watts), un record qui sera battu l’année suivante avec La Menace Fantôme de George Lucas. 

La couleur des sentiments

Parabole du racisme et du conservatisme, Pleasantville offre un rôle en or à William H. Macy (« Honey, I’m home ! » lâche-t-il invariablement chaque soir, lorsqu’il rentre à la maison) et à Jeff Daniels (très touchant dans le rôle d’un Monsieur Johnson pas du tout prêt à voir sa routine se bouleverser). Le film se pare de séquences magnifiques, comme cette mère de famille (excellente Joan Allen) recouvrant son visage de maquillage gris pour ne pas révéler au monde qu’elle se sent enfin libre et maîtresse de sa destinée. À pas feutrés, Pleasantville a su s’imposer comme une étape importante dans l’histoire du cinéma fantastique et se revoit toujours avec autant de plaisir aujourd’hui, la force de son message n’ayant rien perdu de son impact.
 
© Gilles Penso

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