AD ASTRA (2019)

Brad Pitt traverse l’espace à la recherche de son père disparu et finit par perdre pied dans le vertige cosmique de cette quête initiatique

AD ASTRA

 

2019 – USA

 

Réalisé par James Gray

 

Avec Brad Pitt, Tommy Lee Jones, Donald Sutherland, Liv Tyler, Ruth Negga, Kimberly Elise, Loren Dean, Donnie Keshawarz

 

THEMA SPACE OPERA

James Gray n’est pas un cinéaste qu’on aurait a priori imaginé à la tête d’une saga de science-fiction transportant son héros aux confins de l’espace, le confrontant à des pillards du futur, l’entraînant dans des combats spatiaux en apesanteur, le plongeant au cœur de séquences de destruction à échelle titanesque… Tous ces éléments dignes d’un serial ou d’un roman pulp de science-fiction sont bien présents dans Ad Astra, mais le réalisateur de La Nuit nous appartient ne cherche pas pour autant à conter les exploits modernisés d’un Buck Rogers ou d’un Flash Gordon. Son style inimitable est toujours là, partagé entre la mélancolie, la sobriété, l’élégance et un certain désenchantement. Pour lui, cette odyssée de l’espace est avant tout un moyen de revisiter « Au cœur des ténèbres » de Joseph Conrad, qui demeure sa référence majeure. Brad Pitt incarne donc Roy McBride, un ingénieur et astronaute de la NASA qui, après avoir échappé de peu à la mort dans une séquence vertigineuse digne de Gravity, apprend que la Terre est menacée par des radiations électriques provenant de la planète Neptune. Or c’est dans cette zone qu’a disparu seize ans plus tôt son père (Tommy Lee Jones), un éminent astronaute fasciné par la recherche de formes de vie extra-terrestres. Pour remonter à la source de ces dangereuses surcharges électriques qui menacent l’équilibre de la Terre, Roy va devoir entamer un voyage spatial de longue haleine dans l’espoir de retrouver la trace de son père… et de sauver l’avenir de l’humanité.

L’aventure à grande échelle qui sert de prétexte à une quête du père absent par un garçon perdu nous évoque bien sûr l’une des thématiques récurrentes du cinéma de Steven Spielberg, et notamment le cœur de l’intrigue d’Indiana Jones et la dernière croisade. Mais si la recherche désespérée d’un lien paternel trop tôt rompu réunit les deux cinéastes, la comparaison s’arrête là. Car l’approche de James Gray se veut extrêmement réaliste, voire banalisée. Face à sa caméra, les péripéties les plus folles (la dégringolade 30 kilomètres au-dessus de la Terre, la course-poursuite sur la Lune, le corps-à-corps dans la fusée qui quitte la planète Mars) prennent une tournure étonnamment naturaliste, presqu’anodine. Malgré la dimension cosmique de cette épopée, le récit reste centré sur l’inexorable fuite en avant d’un explorateur solitaire. Et c’est justement cette narration à hauteur d’homme, ponctuée par la voix off maussade de Brad Pitt, qui dote Ad Astra d’une personnalité très particulière et d’un style unique.

Perdu dans l’espace

Les partis pris de James Gray dotent donc Ad Astra d’un indiscutable supplément d’âme. Selon la sensibilité de chaque spectateur, ce choix d’un rythme lent et répétitif sera vecteur d’une fascination quasi-hypnotique ou d’une certaine lassitude confinant à l’ennui. D’où probablement l’accueil mitigé que reçut le film, et qui ne lui permit qu’à peine de rentrer dans ses frais. Il faut aussi préciser que le métrage fit l’objet d’un bras de fer entre le réalisateur et la 20th Century Fox, entre-temps rachetée par le studio Disney. Cette discorde, portant principalement sur le dénouement du film, donna lieu à un compromis n’ayant finalement convaincu personne : ni Gray, ni Disney, ni une grande partie des spectateurs. Ad Astra reste pourtant un exercice de style captivant. Et c’est aussi, pour les cinéphiles, l’occasion de retrouver Tommy Lee Jones et Donald Sutherland en tenue d’astronautes près de vingt ans après le Space Cowboys de Clint Eastwood.

 

© Gilles Penso

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