UNDER THE SKIN (2013)

Scarlett Johansson incarne une extra-terrestre déguisée en Terrienne qui attire les hommes pour leur voler leur peau…

UNDER THE SKIN

 

2013 – GB / USA / SUISSE

 

Réalisé par Jonathan Glazer

 

Avec Scarlett Johansson, Lynsey Taylor MacKay, Paul Brannigan, Krystof Hádek, Robert J. Goodwin, Michael Moreland

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES

Le moins qu’on puisse dire, c’est que Jonathan Glazer prend son temps pour mettre en scène ses longs-métrages. Près d’une décennie sépare Under the Skin de son film précédent, Birth, lui-même sorti quatre ans après Sexy Beast. Pas inactif pour autant, le réalisateur multiplie les clips et les spots publicitaires, mais ses films ne s’égrènent que tous les cinq ou dix ans. A vrai dire, Under the Skin est un projet qui mit beaucoup de temps à se concrétiser, presque dix longues années justement. Attiré par le roman « Sous la peau » de Michel Faber, Glazer eut toutes les peines du monde à réunir les deniers nécessaires à la concrétisation de ce projet résolument anti-commercial. Le scénario changea beaucoup en cours de route, le casting aussi. Eva Green, Gemma Arterton, Olivia Wilde, Abbie Cornish, January Jones étaient tour à tour envisagées dans le rôle principal. Lorsque finalement Scarlett Johansson fut attachée au projet vers 2009, les choses s’accélérèrent et le soutien du British Film Institute Fund permit de boucler le budget.

L’interprète de la Veuve Noire des Avengers incarne ici une entité extra-terrestre ayant « emprunté » le corps d’une jeune femme pour imiter l’apparence d’une Terrienne. Errant dans les rues écossaises au volant d’une camionnette, elle attire plusieurs hommes dans une maison sordide et les pousse à se dévêtir. Nus comme des vers, ils s’enfoncent soudain dans le sol mué en liquide noir et disparaissent dans cet étrange néant aquatique, leur peau servant dès-lors de matière première au « déguisement » d’autres aliens. D’abord impassible face au sort de ses infortunées victimes, notre « héroïne » semble changer imperceptiblement au fur et à mesure de sa mission, comme si son enveloppe charnelle d’emprunt commençait à influer sur son comportement et ses états d’âme… Résumée ainsi, l’intrigue d’Under the Skin a les atours d’un thriller de science-fiction efficace reprenant à son compte le motif de l’invasion extra-terrestre et des « body snatchers ». Mais Jonathan Glazer n’est pas un adepte du classicisme. Sur ce postulat de SF, il bâtit au contraire un film lent, austère, erratique et hermétique. Certains y verront une force et une originalité, d’autres un défaut majeur. Under the Skin divise forcément mais ne laisse pas insensible.

Dans la peau d'une autre

Dès les premières minutes, le film annonce la couleur : une faible lueur perce l’obscurité et grandit peu à peu, tandis que résonnent la musique atonale de Mica Levi et des voix indistinctes. La scène est longue, énigmatique, annonçant les partis pris d’une œuvre qui sollicitera la patience et un certain abandon de la part de ses spectateurs. La première réplique n’intervient qu’au bout d’un quart d’heure. Les dialogues sont d’ailleurs accessoires, anodins et banals pour la plupart. Glazer plante sa caméra dans les rues et la campagne écossaise, vole beaucoup d’images prises sur le vif, sollicite des acteurs non professionnels, bref laisse son film prendre son propre rythme au fil de l’eau. Cette approche naturaliste et accidentée d’un argument de science-fiction n’est pas sans évoquer L’Homme qui venait d’ailleurs de Nicolas Roeg. Scarlett Johansson elle-même s’implique beaucoup dans le film, acceptant une séquence de nudité frontale qui n’a pas vocation de séduire le public mais d’approfondir la relation complexe que son personnage entretient avec ce corps qui n’est pas le sien. A la toute fin du film, Glazer assume enfin pleinement sa thématique extraterrestre le temps d’une séquence graphiquement très forte, mais cette vision est sans doute trop tardive et les amateurs du genre pourront légitimement se sentir frustrés par cette narration élusive. Under the Skin a tout de même soulevé un enthousiasme hors-norme au moment de sa sortie. Classé parmi les dix meilleurs films de l’année 2010 par « Les Cahiers du Cinéma », listé dans les 1001 Films à voir avant de mourir, primé partout dans le monde, il a su séduire la critique et la profession par ses prises de risques et son approche anticonformiste.

 

© Gilles Penso

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