LA PLANÈTE DES SINGES (2001)

Tim Burton s’empare du classique de Franklin J. Schaffner dont il signe une relecture maladroite et inégale

PLANET OF THE APES

 

2001 – USA

 

Réalisé par Tim Burton

 

Avec Mark Wahlberg, Tim Roth, Helena Bonham Carter, Michael Clarke-Duncan, Charlton Heston, Estella Warren

 

THEMA SINGES I FUTUR I SAGA LA PLANÈTE DES SINGES

La Planète des singes était un cadeau empoisonné. Tim Burton le savait en acceptant la proposition de la 20th Century Fox. Un projet qui traîne si longtemps dans les tiroirs d’un studio et ne cesse de passer de main en main (Oliver Stone, Michael Bay, Chris Columbus, James Cameron), ça n’est jamais très bon signe. D’autant que le film original de Franklin J. Schaffner est considéré par tous – Burton le premier – comme un insurpassable chef d’œuvre de sauvagerie et de noirceur, et qu’il fut déjà suivi par quatre autres longs-métrages et une série télévisée exploitant le filon sous toutes ses coutures. Conscient de ces nombreux écueils, le père d’Edward aux mains d’argent accepte tout de même le défi en découvrant le scénario de William Broyles qui ne relève ni de la séquelle, ni du remake, et propose une variante originale autour du roman de Pierre Boulle. Plusieurs éléments attirent Tim Burton dans cette approche, la moindre n’étant pas la confusion semée entre l’animalité des humains et l’humanité des singes. Ce travail sur la bestialité et les instincts primaires avait déjà servi de base aux meilleures séquences de Batman et surtout Batman le défi.

Mais rien ne va hélas se passer comme prévu. Alors que la production est lancée, le studio s’affole soudain face au budget colossal que nécessite le scénario et réclame aussitôt de nombreuses réécritures. Or les décors ont été construits, les acteurs sont prêts, le tournage est imminent et la date de sortie est déjà arrêtée. C’est donc dans une totale incertitude que Tim Burton s’apprête à attaquer les prises de vues de son film, ayant été attiré par un script qui est entièrement révisé par deux nouveaux scénaristes – Lawrence Konner et Mark Rosenthal – et subissant une pression de la Fox qui lui ordonne d’effectuer toutes les économies possibles pour que le devis initial soit réduit, quitte à sacrifier des séquences entières. Au lieu de se construire, La Planète des singes se déconstruit donc au fur et à mesure de son élaboration. Face à l’impossibilité de créer la surprise (le climax du film de Franklin J. Schaffner a marqué à tout jamais l’inconscient collectif), le scénario se déplace sur une autre planète que la Terre, même si les situations finissent par se calquer sur celles que le public connaît déjà. L’astronaute Taylor et l’équipage du premier film ont ici été réunis en une seule personne, le capitaine Leo Davidson, qui s’écrase à son tour sur un astre inconnu où l’homme est l’être inférieur, dominé, traqué et asservi par des primates tyranniques organisés en une société militaire. Comme il se doit, Davidson va résister face à cette dictature et devenir le symbole vivant de la lutte contre l’oppression.

Une production incontrôlable

Si Charlton Heston dégageait en 1968 une force brute et une détermination sans faille, son successeur Mark Wahlberg s’avère particulièrement inexpressif. Mais le comédien n’est pas seul en cause. Cherchant sans doute à véhiculer à travers le héros du film son propre ahurissement face à une situation lui échappant complètement, Tim Burton demande à Wahlberg de jouer une sorte d’incrédulité passive permanente. Et que dire de la belle Nova qui accompagne docilement notre héros ? Si celle du premier film – incarnée par Linda Harrison – pouvait sembler trop effacée, celle qu’interprète ici Estella Warren ne transcende jamais son rôle de potiche et pourrait disparaître du scénario sans la moindre conséquence. Dans de telles conditions, il s’avère difficile de s’intéresser aux personnages humains. Restent les singes, conçus par le maquilleur Rick Baker dont la collaboration avec Tim Burton avait été couronnée de succès dans Ed Wood. « Pour le tout premier La Planète des singes, le maquilleur John Chambers avait choisi des applications en mousse de latex qu’il posait sur le visage des acteurs », explique Baker. « C’était une bonne technique, mais j’ai toujours regretté que les mouvements de la bouche soient si limités. Lorsque Tim Burton m’a demandé de travailler sur sa version, j’ai conçu les prothèses les plus fines possibles pour que les comédiens puissent faire ressentir leurs émotions sous le maquillage. Je voulais que les bouches puissent s’ouvrir et que les dents apparaissent. » (1) De son côté, Danny Elfman rend un bel hommage aux travaux originaux de Jerry Goldsmith en dotant sa partition orchestrale de percussions tribales et de rythmes électroniques du plus bel effet. Au beau milieu de cette production devenue totalement incontrôlable, le style de Tim Burton se distingue avec difficulté via une poignée d’idées visuelles insolites, comme ce singe joueur d’orgue de barbarie qui tient en laisse un petit homme, mais force est de constater qu’il signe là le plus anonyme de ses films.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en juin 2010

 

© Gilles Penso



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