YESTERDAY (2019)

Après un accident, un chanteur sans succès se réveille dans un monde où les Beatles n’ont jamais existé…

YESTERDAY

 

2019 – GB

 

Réalisé par Danny Boyle

 

Avec Himesh Patel, Lily James, Ed Sheeran, Joel Fry, Kate McKinnon, Lamorne Morris, Sophia Di Martino, Elise Chappell, Harry Michell, Alexander Arnold

 

THEMA MONDES PARALLÈLES ET MONDES VIRTUELS

C’est le scénariste Jack Barth qui est à l’origine de Yesterday. Après avoir passé de longues années à essayer d’intéresser Hollywood à ses histoires, il part d’un constat désenchanté selon lequel s’il se retrouvait dans un monde où Star Wars n’existait pas, il serait incapable de vendre le concept créé par George Lucas. Il imagine alors un chanteur sans succès qui se réveille un jour dans un univers parallèle sans Beatles et tente de s’approprier leurs chansons pour connaître le triomphe. Écrit en 2012, ce script a un petit air de déjà-vu. On pense notamment au film Jean-Philippe de Laurent Tuel, où un fan absolu de Johnny Hallyday bascule dans une réalité où son idole n’existe pas, mais aussi et surtout à la bande-dessinée « Yesterday » de David Blot et Jérémie Royer. Cette histoire tournant autour de l’usurpation d’une œuvre artistique serait-elle donc elle-même le fruit d’un plagiat ? Difficile de répondre à cette question. Toujours est-il que le scénariste Richard Curtis (Quatre mariages et un enterrement, Love Actually) se laisse séduire par le pitch de Jack Barth et décide de réécrire le scénario en adoucissant sa tonalité sombre pour accroître son potentiel de comédie romantique.

Le projet démarre officiellement lorsque le versatile réalisateur Danny Boyle (Trainspotting, 28 jours plus tard, Slumdog Millionaire) se lance dans l’aventure. Le film reçoit la bénédiction de Paul McCartney, Ringo Starr, Yoko Ono et Olivia Harrison, mais un tel adoubement n’est pas gratuit. Un tiers du budget de Yesterday sera ainsi consacré à l’obtention des droits d’utilisation des chansons des Beatles. Quant à leur interprétation, elle est assurée par le comédien Himesh Patel qui chante lui-même et s’accompagne à la guitare et au piano. La véritable révélation du film, c’est lui. Patel incarne Jack Malick, qui travaille dans l’entrepôt d’un supermarché du Suffolk en espérant pouvoir percer un jour dans la musique. Mais malgré l’opiniâtreté de son amie d’enfance et manager Ellie (Lily James), ce jeune chanteur peine à sortir de l’anonymat et ne remplit même pas les minuscules chapiteaux des modestes festivals que l’on met à sa disposition. Prêt à abandonner ses rêves pour de bon, il rentre un soir chez lui à vélo. A cet instant précis, un phénomène inexpliqué frappe toute la planète : l’électricité est coupée partout pendant un bref instant. Plongé dans les ténèbres, Jack est heurté par un bus. A son réveil, il constate avec stupeur qu’il a basculé dans une réalité alternative. Le voilà plongé dans un univers où les Beatles n’ont jamais existé. Désormais seul à connaître les chansons des superstars de Liverpool, il les joue au public en laissant croire qu’il en est l’auteur…

Un garçon dans le vent

Loin d’être un simple gimmick, l’univers des Beatles envahit une grande partie de Yesterday, dont Daniel Pemberton signe la bande originale en jetant un pont entre les chansons réinterprétées par Patel et l’atmosphère musicale du film. L’hommage est subtil mais omniprésent, comme lorsque l’inexorable crescendo orchestral de « A Day in the Life » précède l’accident qui déclenche tout. Les guitares de Paul McCartney et George Harrison, les trompettes de « Penny Lane », les claviers de « Strawberry Fields Forever » s’invitent discrètement, sans ostentation, pour accompagner pas à pas l’ascension de cet usurpateur rapidement dépassé par les événements. Mais c’est surtout lorsque Jack essaie de faire découvrir pour la première fois à son entourage les classiques des quatre garçons dans le vent qu’il convient de ne pas trahir l’essence des œuvres originales. Son interprétation sera-t-elle à la hauteur ? Constat amer sur l’industrie du disque et plus généralement sur un monde où le marketing corporatiste a largement pris le pas sur l’instinct artistique, Yesterday permet à Ed Sheeran d’incarner une caricature de lui-même (il conseille vivement à Jack de remplacer le titre « Hey Jude » par « Hey Dude », plus dans l’air du temps selon lui) et ponctue sa narration de gags savoureux (dont celui, récurrent, où Jack cherche des noms sur Google pour savoir s’ils existent dans ce monde parallèle). Entre éclats de rire et moments d’émotion intenses, Yesterday nous questionne sur l’inspiration, la mémoire, la quête d’identité et le devoir de transmission. Cette dernière thématique envahit le dernier acte du métrage, culminant au cours d’une séquence touchante et inattendue laissant rêveur sur les caprices du destin.

 

© Gilles Penso

 

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