NEKROMANTIK (1987)

Le réalisateur allemand Jörg Buttgereit utilise le prétexte de la nécrophilie pour composer un film d’horreur poisseux au parfum de scandale

NEKROMANTIK

 

1987 – ALLEMAGNE

 

Réalisé par Jörg Buttgereit

 

Avec Bernd Daktari Lorenz, Beatrice Manowski, Harald Lundt, Colloseo Schulzendorf, Henri Boeck, Clemens Schwender

 

THEMA MORT

En s’attaquant frontalement au thème complexe de la nécrophilie, le réalisateur allemand Jörg Buttgereit n’avait pas pour objectif la moindre étude psychologique, pas plus qu’il ne se souciait d’en saisir les implications morales ou pathologiques. Si Nekromantik peut être appréhendé comme une chronique du mal-être et de l’exclusion, le cinéaste avance ses arguments sans la moindre quête de subtilité. Son but principal est manifeste dès les premières minutes du métrage : choquer les spectateurs. D’ailleurs, le texte qui ouvre le film fait plus office d’accroche publicitaire que de véritable avertissement. « Attention », y lit-on, « ce film peut être considéré comme très offensant et ne doit pas être montré à des mineurs !!! » (avec trois points d’exclamation). En quelques minutes, le ton est donné : une femme urine en très gros plan dans la campagne, puis rejoint son compagnon en voiture, juste avant un accident brutal qui les laisse dans un piteux état, lui énucléé, elle coupée en deux et les viscères à l’air. Le choc que pourrait susciter une telle entrée en matière est considérablement amenuisé par l’amateurisme de la mise en forme : un tournage au format super-8, des cadrages hésitants, une lumière déficiente, un montage approximatif, une musique synthétique affreuse…

Les « héros » de Nekromantik sont Rob et Betty, un couple amoureux des cadavres… au sens propre. Rob (incarné par Daktari Lorenz, également co-compositeur de la bande originale et co-créateur des effets spéciaux) travaille dans une entreprise chargée de nettoyer les scènes d’accidents, ce qui lui permet de ramener chez lui des morceaux d’organes pour les immerger dans le formol et les collectionner. Un jour, il rapporte un cadavre décomposé et gluant à souhait, à la grande joie de Betty qui se met à palper langoureusement sa peau flétrie et son œil saillant. Bientôt, elle fait l’amour avec lui, un tuyau coiffé d’un préservatif remplaçant son pénis défaillant ! Conscient qu’il tient là l’une des scènes emblématiques de son film, Buttgereit ne nous épargne aucun détail sordide (tout le monde se lèche, l’œil décomposé est gobé puis replacé dans son orbite d’un coup de langue) et croit en décupler l’impact en utilisant une ritournelle romantique au piano et des effets de ralenti particulièrement hideux.

Onirisme macabre et gore grand-guignolesque

Le jour où Rob est renvoyé, Betty le quitte et son équilibre mental, déjà très vacillant, s’effondre définitivement. Pour déranger son public, le cinéaste s’en donne à cœur joie : l’onirisme macabre (un cadavre semi-décomposé sort d’un sac plastique et s’amuse à envoyer une tête coupée à une jeune femme comme s’il s’agissait d’un ballon), le gore grand-guignolesque (un homme décapité d’un coup de pelle en pleine mâchoire), les délires horrifiques en tout genre (Rob massacre son chat, l’éventre et se frotte le corps avec ses entrailles) et même le snuff (les flash-backs du lapin égorgé et écorché). Le summum est atteint avec un climax sans retenue où la semence et le sang éclaboussent l’écran sans la moindre retenue, Eros et Thanatos s’accouplant en une excessive orgie finale. Buttgereit aura finalement atteint son but : créer l’événement et muer son délire en œuvre culte auprès d’une petite communauté de fans hardcore. Projeté au cinéma de manière relativement confidentielle pendant deux ans, à une époque où le mur de Berlin est encore debout, Nekromantik aura maille à partir avec la censure, ce qui n’empêchera pas son réalisateur d’en initier dans la foulée une suite encore plus provocante.

 

© Gilles Penso

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