NOMADS (1985)

Pour son premier film, John McTiernan dirige le débutant Pierce Brosnan dans un thriller surnaturel oppressant

NOMADS

 

1985 – USA

 

Réalisé par John McTiernan

 

Avec Pierce Brosnan, Lesley-Anne Down, Anna-Maria Monticelli, Adam Ant, Mary Woronov, Hector Mercado, Josie Cotton

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

Quelques années avant de réaliser Predator, Piège de cristal, À la poursuite d’Octobre Rouge et de devenir l’un des plus grands – le plus grand ? – réalisateurs de films d’action de tous les temps, John McTiernan réalisait Nomads, un premier long-métrage portant déjà en substance une grande partie de son univers et de ses thèmes récurrents. « Je suis issu d’une modeste famille irlandaise et j’ai grandi dans une petite ville industrielle au nord de New York », raconte le réalisateur pour résumer ses débuts. « Les Irlandais-Américains étant obsédés par l’éducation, il était clair que j’allais devoir suivre des études supérieures. Pour éviter un cursus trop classique, je me suis mis à étudier le cinéma à l’American Film Institute de Los Angeles. Là, j’ai commencé à écrire des scénarios, dans l’espoir d’en signer un qui soit suffisamment abouti pour que je puisse le réaliser. Et ce fut le cas avec Nomads. » (1) Le film s’inspire d’un roman de Chelsea Quinn Yarbro, dont les péripéties étranges tournent autour d’un anthropologue canadien francophone. Pour incarner ce personnage central, McTiernan pense logiquement à Gérard Depardieu. Mais le futur Cyrano de Jean-Paul Rappeneau n’est pas tenté par la proposition. La production change alors son fusil d’épaule et se tourne vers un comédien irlandais popularisé par la série TV Les Enquêtes de Remington Steele mais encore novice au cinéma : Pierce Brosnan.

Le futur James Bond de Goldeneye incarne donc Jean-Charles Pommier, un scientifique français passionné par les croyances religieuses et les rituels spirituels des cultures non occidentales. Dès l’entame, McTiernan nous prend par surprise en tuant son héros. Pommier est en effet assassiné violemment et meurt dans les urgences d’un hôpital de Los Angeles. À son chevet, le docteur Eileen Flax (Lesley-Anne Down) est soudain possédée par ses souvenirs et revit la dernière semaine de sa vie. Le temps se rembobine donc et nous retrouvons le fringuant anthropologue et son épouse Niki (Anna-Maria Monticelli) dans leur maison de banlieue. Bientôt, le couple est menacé par une bande de voyous qui rôdent dans leur quartier en adoptant d’étranges comportements tribaux. Fasciné par eux, Pommier découvre qu’il s’agit d’esprits démoniaques d’origine inuit ayant pris une apparence humaine pour mieux perpétrer leurs sanglants forfaits. Maintenant qu’il a percé à jour leur secret, notre homme devient leur cible…

« Ce ne sont pas les mots qui comptent… »

Il n’est pas difficile de comprendre ce qui a pu séduire John McTiernan dans ce récit, lui qui n’aura de cesse au fil de sa filmographie de décliner les thèmes de la tribalité et de la barrière de la langue. « Quand j’étais enfant, je passais beaucoup de temps à l’opéra », nous raconte-t-il. « Je ne comprenais pas les mots, puis je me suis rendu compte que ça n’avait pas d’importance du moment que le ton du chant était juste. A l’université, j’ai vu des centaines de films étrangers, et j’ai arrêté de lire les sous-titres. La plupart du temps, je comprenais ce qui se passait grâce à l’émotion véhiculée par les comédiens. Ce ne sont pas les mots qui comptent, mais leur sonorité. Voilà pourquoi, dans mes films, j’aime placer des dialogues en langage étranger sans les sous-titrer. Une distance se crée alors entre les personnages qui cherchent à se comprendre et vont au-delà de la barrière de la langue. » (2) Ces propos nous rappellent quelques scènes clés d’À la poursuite d’Octobre Rouge et Le Treizième guerrier. Le jeu sur la langue étrangère est ici quelque peu altéré par la non-francophonie de Pierce Brosnan, qui parle notre langue avec un étrange accent. Dans la version française, sa nationalité sera d’ailleurs changée, le Français Jean-Charles Pommier devenant l’Allemand Johnny Baumann. Autres réserves : le coup de vieux qu’ont pris certains aspects du film, notamment le gang des rues tellement typique des années 80 qu’il semble échappé de la comédie musicale Starmania ! Il n’en demeure pas moins que McTiernan fait preuve d’une belle maîtrise pour un premier long-métrage, dirigeant ses comédiens avec beaucoup de justesse, bâtissant une efficace atmosphère oppressante et tournant même une scène de cauchemar qui s’achève par une chute dans le vide filmée exactement comme celle – devenue célèbre – de Hans Gruber dans Piège de cristal. Très impressionné par son travail, Arnold Schwarzenegger sollicitera McTiernan pour diriger Predator deux ans plus tard. Quant à Pierce Brosnan, il retrouvera le metteur en scène entre deux escapades bondiennes le temps d’un très élégant remake de L’Affaire Thomas Crown.

 

(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en janvier 2010

 

© Gilles Penso

 

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