LÈVRES DE SANG (1975)

Obsédé par une femme mystérieuse qu’il rencontra dans son enfance et qui n’a pas vieilli, un jeune homme découvre que c’est un vampire

LÈVRES DE SANG

 

1975 – FRANCE

 

Réalisé par Jean Rollin

 

Avec Jean-Lou Philippe, Annie Briand, Nathalie Perrey, Paul Bisciglia, Willy Braque, Martine Grimaud

 

THEMA VAMPIRES I SAGA JEAN ROLLIN

La constance de Jean Rollin force quelque part le respect. Peu de cinéastes auront à ce point décliné les mêmes thématiques et les mêmes motifs au sein d’une filmographie fantastique confinant quasiment à l’obsession. Le cinéaste poursuit donc vaillamment ses expérimentations horrifico-érotiques amorcées sept ans plus tôt avec Le Viol du vampire mais ne cherche guère à gommer les scories qui entravent de toute évidence son œuvre. Satisfait de la patine insolite induite par l’amateurisme manifeste de son casting et d’une partie de son équipe technique, Rollin creuse son sillon. Languissant, ennuyeux, Lèvres de sang avance de fait à la vitesse d’un escargot asthmatique. Mystérieuse, la scène d’introduction située dans la solitude glacée du cimetière de Montmartre laisse encore espérer quelques jolies idées poético-macabres. Un étrange cortège y transporte des formes blanches au plus profond d’un obscur caveau. Lorsque les portes se referment, des plaintes s’échappent, étouffées par l’épaisseur des murailles… Nous faisons ensuite connaissance avec Frédéric, un jeune homme qui, au cours d’une soirée cocktail guindée en l’honneur d’un nouveau parfum, voit sur l’affiche dédiée au flacon vedette la photo d’un paysage en ruines qui l’interpelle. Cette image éveille en lui des souvenirs d’enfance enfouis.

Flash-back : il avait douze ans, s’est perdu en pleine nuit, puis s’est endormi au milieu des ruines, sous la protection d’une belle hôtesse au teint d’albâtre. Troublé, il retrouve la photographe qui a signé ce cliché et lui donne rendez-vous à minuit. L’enquête qui suit s’annonce sinon passionnante, du moins intrigante. Mais à ce stade du récit, on ne comprend plus grand-chose. Car soudain quatre femmes vampires surgissent de leur tombe et attaquent le gardien du cimetière. Notre héros, lui, erre dans les rues, croit revoir la belle hôtesse de son enfance dans un cinéma, est entraîné par une femme mystérieuse qui lui dit « ce soir la nuit est à nous », tombe sur le cadavre de la photographe, se promène dans le métro, puis rencontre un moustachu bizarre qui essaie de le tuer. Là, Lèvres de sang vire à la comédie involontaire, dans la mesure où Jean Rollin s’essaie au cinéma d’action : fusillade, combat à main nue, cascade du haut du métro, course-poursuite sur la place du Trocadéro : notre homme ne recule devant rien, mais face à la balourdise du résultat à l’écran, nous sommes partagés entre rires et soupirs…

La plage sanglante

Comme toujours, les filles se déshabillent régulièrement pour tromper l’ennui du spectateur et Rollin s’adonne à une poignée de séquences fétichistes, comme celle de la jeune comédienne nue et enchaînée que transportent des femmes vampires portant pour seul vêtement un linceul transparent. Quant à la scène finale – passage quasi-obligatoire – elle se situe sur la plage préférée du cinéaste, à Pourville-les-Dieppe. Cette réminiscence poétique dans la filmographie de Rollin, qui donne presque l’impression que tous ses longs-métrages ou presque « riment » ensemble, n’est pas la curiosité la moins fascinante dans cette filmographie maladroite mais étonnamment cohérente. Quelque part, il existe une sorte de « Rollin Cinematic Universe ». En fuite sur cette plage obsessionnelle, le couple vampire s’allonge nu dans un cercueil et se laisse porter par les flots, en quête de futures victimes. « Je commence enfin à vivre » s’exclame alors Frédéric, tandis que la beauté de ces dernières images, montrant l’embarcation macabre qui vogue sur la marée montante, nous ferait presque oublier les lourdeurs de ce film bancal.

 

© Gilles Penso

 

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