MONTCLARE : RENDEZ-VOUS DE L’HORREUR (1982)

Une jeune femme hérite d’un domaine familial abritant une communauté de retraités… et des secrets très inquiétants

NEXT OF KIN

 

1982 – NOUVELLE-ZÉLANDE / AUSTRALIE

 

Réalisé par Tony Williams

 

Avec Jacki Kerin, John Jarratt, Alex Scott, Gerda Nicolson, Charles McCallum, Bernadette Gibson, Robert Ratti, Vince Deltito, Tommy Dysart

 

THEMA TUEURS

S’il s’inscrit logiquement dans la mouvance des productions fantastiques ayant subitement émergé sur le continent océanien entre la fin des années 70 et le début des années 80 (au côté des œuvres de George Miller, Richard Franklin, Simon Wincer ou Colin Eggleston), Montclare est tout de même un film un peu à part. Son réalisateur Tony Williams n’a en effet réalisé qu’un autre long-métrage de fiction, le drame méconnu Solo, le reste de sa carrière ayant été consacré à la production et à la réalisation de films documentaires. C’est d’autant plus surprenant que ses trouvailles de mise en scène, ses expérimentations visuelles et sonores et sa direction d’acteurs laissaient augurer des promesses cinématographiques qui hélas n’auront pas été tenues. Montclare (Next of Kin en V.O., autrement dit « proche parent ») est donc un cas isolé. Et si ses derniers rebondissements semblent vouloir se réclamer du slasher, alors au sommet de sa vogue aux États-Unis, l’entame de ce Rendez-vous de l’horreur nous baigne dans une atmosphère différente, proche par bien des aspects des vieilles histoires de fantômes britanniques ou des thrillers « à mystère » dans l’esprit des récits d’Edgar Wallace ou de Boileau & Narcejac.

Après la mort de sa mère, Linda (Jacki Kerin) hérite de Montclare, un domaine rural qui appartient à sa famille depuis de longues années. La nuit de son arrivée, une vieille pensionnaire, Madame Ryan (Bernadette Gibson), arrive au beau milieu d’un orage, accompagnée par son fils Kelvin (Robert Ratti). Car Montclare abrite une communauté de retraités avec qui Linda va lier connaissance. Mais une ambiance étrange baigne les lieux, agitant les nuits de Linda qui est hantée dans ses rêves par une petite fille qui pourrait bien être elle-même. Bientôt, un drame survient : un résident est retrouvé noyé dans une baignoire. De plus en plus perturbée, Linda tombe sur des journaux intimes et des dossiers médicaux troublants. Convaincue que quelqu’un l’espionne et l’observe jour et nuit, elle finit par se persuader que Connie (Gerda Nicolson), une employée de longue date, et le docteur Barton (Alex Scott), qui officie à Montclare, lui cachent des choses sur sa mère et sur sa tante. Les incidents se multiplient bientôt, jusqu’à ce que la situation vire au cauchemar…

Le malaise s’installe…

Si Montclare : rendez-vous de l’horreur parvient à saisir le spectateur et à jouer avec ses nerfs, c’est moins pour son scénario, somme toute assez classique, que par la mise en forme qu’adopte Tony Williams. Pas du tout coutumier du genre, le réalisateur semble trouver là un passionnant terrain de jeu. Sa caméra suit souvent l’action de très près, zoomant sur certains détails du cadre, accompagnant les personnages pas à pas, quitte à adopter des angles de vue inattendus. Cette proximité que le cinéaste impose à ses spectateurs crée un climat insolite même lorsqu’il ne se passe rien. Comment oublier le malaise suscité par cette scène pourtant anodine des morceaux de sucre ? Williams altère souvent la cadence de l’action, imposant des mouvements ralentis qui créent un sentiment de flottement et laissent l’étrangeté s’inviter dans les moments les plus faussement paisibles. Toutes ces facéties sont moins des gimmicks que des moyens d’entrer dans la subjectivité d’un personnage de plus en plus déconcerté par cet environnement dont l’apparente respectabilité cache visiblement de lourds secrets. La couleur rouge est aussi un indicateur de perturbation (le ballon de la fillette, le béret, le pull, et bientôt l’eau d’une fontaine qui se teinte soudain d’écarlate). En ce sens, certains effets de style de Montclare ne sont pas éloignés de ceux du giallo, ce que confirme ce climax baroque digne des grandes heures de Dario Argento où les cris de terreur se muent en hurlements bestiaux, où la caméra flotte au-dessus du drame et où la musique synthétique de Klaus Schulze nimbe l’action d’une rythmique entêtante. Constellé d’images inquiétantes (le cadavre dans la baignoire), Montclare remportera le grand prix du Festival International du Film Fantastique de Paris en 1982.

 

© Gilles Penso

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