ANTEBELLUM (2020)

Les histoires croisées d’esclaves noirs avant la guerre de sécession et d’une militante des droits des femmes noires-américaines de nos jours…

ANTEBELLUM

 

2020 – USA

 

Réalisé par Gerard Bush et Christopher Benz

 

Avec Janelle Monae, Jena Malone, Robert Aramaic, Jack Huston, Tongayi Chirisa, Gabory Sidibe

 

THEMA POLITIQUE-FICTION I VOYAGES DANS LE TEMPS

Un film ne correspond pas toujours à ce que l’on en attendait. Cette affirmation peut avoir une connotation positive si le film en question nous surprend et surpasse nos espérances. Malheureusement, si Antebellum décontenance, c’est parce que sa bande-annonce vendait un film complètement différent. Si elle avait menti par omission, ce serait encore de bonne guerre. Mais il s’avère qu’elle triche éhontément en manipulant certaines images pour raconter tout autre chose ! La première malhonnêteté de la promotion du film est de clamer haut et fort qu’il est l’œuvre des producteurs de Get Out et Us. Jordan Peele ? Non. Jason Blum alors ? Non plus ! Il s’agit en fait de QC Entertainment, une boite de production parmi tant d’autres et qui ne constitue en rien un gage de qualité. Antebellum entretient néanmoins bel et bien un lien avec les deux titres cités puisqu’il s’inscrit dans la nouvelle vague du cinéma noir américain. La bande-annonce présente deux temporalités : d’un côté des esclaves dans une plantation de coton du sud des États-Unis, encadrés par des soldats confédérés. D’un autre des scènes contemporaines avec la même actrice (Jannelle Monae) vue dans la partie historique. Nous avons ensuite droit à une succession d’images intrigantes dont la tonalité horrifico-fantastique ne fait aucun doute : les esclaves regardent le ciel et voient passer un avion de ligne. L’image saccade, comme un téléviseur mal réglé, faisant disparaitre l’avion l’espace d’un instant… Image suivante : le fantôme d’une fillette en robe d’époque, immobile, au fond d’un couloir d’hôtel, fixant l’héroïne (et le spectateur) alors que celle-ci referme vite la porte de sa chambre sur elle. Nous enchaînons sur un plan de Jannelle Monae et deux amies devant un restaurant, manquant de se faire renverser par calèche totalement anachronique. Et pas besoin de faire des arrêts sur image pour remarquer que les cadres décorant l’hôtel représentent la maison et la plantation des scènes se situant dans le passé.

Sur la base de cette bande-annonce de deux minutes, qui pourrait ne pas penser qu’Antebellum parle d’une femme noire hantée par les fantômes de l’Histoire sudiste ? Ou qu’il sera question de voyage dans le temps ? Ou simplement d’un cauchemar mettant l’héroïne dans la peau d’une esclave ? Aussi sensées que soient ces suppositions, aucune d’elles n’approche de près la vérité ! Il s’agit du premier film du duo de réalisateurs Gerard Bush et Christopher Benz, tous deux issus du milieu du clip vidéo. Ils ne peuvent évidemment être tenus pour responsables de l’orientation de la promotion de leur film, mais ils sont les seuls à blâmer pour le résultat final, même si il faut reconnaitre à l’ensemble une très bonne tenue visuelle et un même un certain sens du rythme ; des qualités d’autant plus flagrantes qu’elles permettent de maintenir l’intérêt pendant la première moitié du film qui ne présente, de près ou de loin, aucun des éléments fantastique ou de suspense entrevus dans la bande-annonce. Le film s’ouvre sur un spectaculaire et virtuose plan-séquence (truqué par ILM) : la caméra survole un champ de fleurs, suivant une petite fille rejoignant sa mère sur le perron d’une magnifique maison à colonnades typique du sud des États-Unis ; nous bifurquons pour suivre des soldats revêtant l’uniforme gris de l’armée confédérée et nous approchons des baraquements des esclaves ; la caméra nous emmène vers un groupe infligeant châtiment corporel et humiliation à un esclave à terre. L’intention de Bush et Benz est claire : nous emmener dans l’arrière-cour de Tara, la maison d’Autant en emporte le vent, un classique qui refit parler de lui en 2020 en raison d’une polémique à l’égard de sa description complaisante de l’esclavage.

Trumperie sur la marchandise ?

Antebellum poursuit sa description des conditions de vie et de soumission sur la plantation pendant 45 minutes, nous faisant presque oublier que le scénario devra à un moment ou à un autre nous ramener à notre époque. Notre attention étant détournée par une première séquence en forme de remake de 12 Years a Slave, la transition sera aussi surprenante que bien négociée. Lorsque nous retrouvons Jannelle Monae en 2020, de nombreux éléments nous interrogent la nature réelle de l’histoire… Nous ne pourrons malheureusement rien dire de plus pour ne pas gâcher la « surprise », ou plutôt la « non-surprise », car d’un point de vue cinématographique, Antebellum est un coup d’épée dans l’eau, un film-concept reposant entièrement sur une arnaque d’écriture et de montage. Et si sous-texte socio-politique il y a, les auteurs/réalisateurs s’avèrent incapables de le distiller via les situations et leur réalisation. A tel point que, en désespoir de cause, ils offrent à leur héroïne une scène de discours en cours de film pour expliciter leur propos. Un propos noble évidemment. Mais là ou Get Out était un authentique thriller rehaussé par un sous-texte pertinent et même subversif, Antebellum fait du sous-texte son argument principal, les péripéties et rebondissements n’étant ici qu’un écran de fumée destiné à créer artificiellement un mystère qui n’existe pas.

 

 © Jérôme Muslewski

 

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