MIDSOMMAR (2019)

Pendant le solstice d’été, les célébrations païennes qui battent leur plein dans la campagne suédoise virent progressivement au cauchemar…

MIDSOMMAR

 

2019 – USA / SUÈDE

 

Réalisé par Ari Aster

 

Avec Florence Pugh, Jack Reynor, William Jackson Harper, Will Poulter, Julia Ragnarsson, Anna Åström, Liv Mjönes, Isabelle Grill

 

THEMA DIEU, LES ANGES, LA BIBLE

Le succès-surprise d’Hérédité a soudain placé l’auteur/réalisateur Ari Aster sous le feu des projecteurs. S’apprête-t-il à devenir l’un des fers de lance de la nouvelle vague du cinéma d’horreur ? C’est en tout cas ce que pense la compagnie de production suédoise B-Reel Films, qui lui propose de se lancer dans un slasher situé en Scandinavie. Pas très attiré par cette idée qui lui semble éloignée de sa sensibilité, il se ravise en envisageant un récit dont le moteur serait un jeune couple au bord de la rupture. Une fois ses personnages centraux définis, Aster construit l’enveloppe « horrifique » de ce qui finit par devenir Midsommar, un nom générique qu’on pourrait traduire par « mi-été » et qui englobe un ensemble de fêtes ancestrales célébrées en Europe du Nord pendant le solstice d’été. Mais si cette tradition tenace – à base de feux de joie, de banquets, de chants et de danses – est effectivement ancrée dans la culture scandinave, les rituels qu’imagine Aster s’éloignent volontairement de la réalité pour lui permettre de bâtir une fable moderne virant progressivement au cauchemar. Contrairement à Hérédité, Midsommar se passe de visages connus du public. Aster opte pour une poignée de jeunes comédiens expérimentés et solides, avec en tête Florence Pugh (The Young Lady, Passenger) et Jack Reynor (Transformers 4, HHhH). Une fois son casting complet, il s’installe avec son équipe pendant tout l’été 2018 dans des extérieurs naturels hongrois censés représenter la campagne suédoise ensoleillée.

Dani est inquiète. Sa sœur, à l’équilibre mental très fragile, est injoignable après lui avoir envoyé plusieurs messages alarmants. Pour partager ses craintes, elle appelle Christian. Celui-ci lui prête une oreille attentive, mais on le sent assez distant. À vrai dire, ce couple semble battre de l’aile, lié par une relation qui n’est visiblement plus qu’un simulacre. Ari Aster dépeint ses personnages avec beaucoup de justesse et les dirige à la perfection. Cette qualité, déjà parfaitement identifiable dans Hérédité, est toujours très prégnante. Entre Dani, Christian et les amis de celui-ci, tout se joue dans les regards et le jeu corporel, beaucoup plus qu’à travers les mots. Les non-dits dissimulent les tensions, les rancœurs et les angoisses indicibles. Puis survient le drame, tournant décisif qui permet à l’intrigue de démarrer vraiment. Au bout de douze minutes, le générique s’affiche donc et Midsommar prend son envol. En quête d’un sujet pour leur thèse, Christian, Mark et Josh décident de suivre leur ami suédois Pelle pour assister à un festival ancestral qui ne se déroule que tous les 90 ans dans un village isolé de la campagne scandinave. Dani se joint à eux. Mais les vacances insouciantes qui s’annoncent, supposées changer les idées de la jeune fille et renforcer sa relation branlante avec Christian, prennent une tournure très étrange…

Le malheur est dans le pré

Si le cadre choisi par Ari Aster n’a a priori rien à voir avec celui d’Hérédité, son personnage féminin principal souffre lui aussi d’un deuil inconsolable mordant son âme. Une fois de plus, l’horreur s’est invitée dans le quotidien de la cellule familiale. Le cinéaste n’a rien perdu de sa minutie esthétique, ni de ses effets de style percutants, bâtis souvent sur de lents mouvements de caméra isolant les personnages dans la multitude, des nappes musicales dissonantes montant crescendo et des ruptures brutales au sein de son montage ou de sa bande son. Lorsque l’horreur graphique s’invite, c’est avec fulgurance, l’impact étant d’autant plus fort que le cadre reste faussement idyllique, paisible et serein. Car dès l’entrée dans cette communauté tout de blanc vêtu, on sent bien que ces sourires et cette communion avec la nature cachent des choses innommables. Et si Aster cite parmi ses influences Le Narcisse noir de Powell & Pressburger et le Macbeth de Polanski, nous serions tentés d’en ajouter deux autres : Wicker Man de Robert Hardy et la nouvelle « Les Démons du maïs » de Stephen King. Il est en effet difficile de ne pas penser à ces deux classiques de « l’épouvante folklorique » face aux rites païens de plus en plus extravagants auxquels se livrent les joyeux Suédois de Midsommar. L’un des aspects les plus intéressants du film est son glissement progressif dans l’anormalité, les croyances ici en présence s’éloignant tant du modèle judéo-chrétien qu’il devient difficile de déterminer à partir de quand le seuil de tolérance doit sonner le signal d’alarme. D’autant que les perceptions des protagonistes sont altérées par les substances qu’ils ingèrent, le spectateur ayant souvent lui-même le sentiment de regarder le film dans un état second. Mais Midsommar est sans doute trop long (plus de 2h30), son intrigue trop distendue et son dénouement trop attendu (une fois de plus, Wicker Man est déjà passé par là). Aster serait-il devenu trop confiant ? Probablement, même si sa virtuosité reste impressionnante. De fait, Midsommar connaîtra un énorme succès critique et public.

 

© Gilles Penso

 

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