LA MORT VOUS VA SI BIEN (1992)

Robert Zemeckis entraîne Meryl Streep, Goldie Hawn et Bruce Willis dans un tourbillon de folie où la quête de jeunesse éternelle tourne au cauchemar grotesque…

DEATH BECOMES HER

 

1992 – USA

 

Réalisé par Robert Zemeckis

 

Avec Bruce Willis, Meryl Streep, Goldie Hawn, Isabella Rossellini, Ian Ogilvy, Adam Storke, Nancy Fish, Sidney Pollack

 

THEMA MORT I SORCELLERIE ET MAGIE

Robert Zemeckis n’aime pas la facilité. C’est le moins qu’on puisse dire si l’on considère sa filmographie post-À la poursuite du diamant vert. Après les défis vertigineux que représentaient la trilogie Retour vers le futur et Qui veut la peau de Roger Rabbit, le voilà lancé dans une satire sociale vitriolée qui bascule dans le fantastique le plus débridé. En s’attaquant à La Mort vous va si bien, dont le scénario est co-écrit par Martin Donovan et David Koepp, on le sent partiellement sous l’influence de la série Les Contes de la crypte dont il est alors producteur. De fait, cette histoire de quête de jeunesse éternelle qui bascule dans le cauchemar burlesque n’est pas sans évoquer le cynisme macabre des EC Comics. Pour autant, La Mort vous va si bien n’est pas un film d’horreur mais plutôt une comédie noire tout public portée par un casting extrêmement prestigieux. Meryl Streep et Goldie Hawn sont heureuses de s’offrir une prestation à contre-emploi (même si les vicissitudes d’un tournage complexe dominé par la présence des superviseurs d’effets spéciaux les feront déchanter). Quant à Bruce Willis, il casse son image de héros d’action en reprenant un rôle peu flatteur laissé vacant par Kevin Kline (qui le refuse) et Jeff Bridges (qui n’est pas retenu).

L’histoire commence à Broadway en 1978. Héroïne d’un spectacle musical kitsch, l’actrice Madeline Ashton (Meryl Streep) s’agite sur scène sans convaincre le public qui déserte la salle en masse. Les autres ronflent ou regardent le show l’air consterné. Seul le docteur Ernest Menville (Bruce Willis), chirurgien esthétique réputé, semble la trouver « sensationnelle ». Menville est fiancé à la romancière Helen Sharp (Goldie Hawn) qui entretient depuis toujours une intense rivalité avec Madeline. Fausses « meilleures amies du monde », les deux femmes se détestent cordialement, d’autant que Madeline a tendance à voler tous les petits amis d’Helen. Ernest ne fera pas exception et l’épousera, au grand dam d’Helen qui entre dans une profonde dépression, devient obèse, vit seule entourée de chats et se nourrit de conserves dans un appartement mué en dépotoir. Expulsée de chez elle, elle finit dans une institution psychiatrique. Du côté de Madeline et Ernest, le tableau n’est pas beaucoup plus reluisant. La comédienne sur la pente descendante est désormais acariâtre et refuse de se voir vieillir. Quant à Ernest, porté sur la bouteille, il est devenu toiletteur pour morts. Un rayon de soleil semble vouloir percer ce paysage morose lorsque Madeline est invitée à rejoindre le groupe secret d’une certaine Lisle Von Rhuman (Isabella Rossellini) qui lui propose « une touche de magie dans ce monde obsédé par la science », autrement dit un sérum d’immortalité/de rajeunissement…

La revanche des mortes-vivantes

Autour du thème de l’hypocrisie, de la vanité, de la sauvegarde des apparences et de la lutte contre les ravages du temps, le trio Streep/Hawn/Willis se confronte dans une première partie savoureuse gorgée d’humour noir gentiment vitriolé. La critique est cruelle mais bien sentie, même si le scénario laisse déjà apparaître une faille qui ne fera que s’agrandir au fil du métrage : l’incapacité pour les spectateurs de s’attacher à ces trois personnages, tous plus minables, pleutres ou sournois les uns que les autres. Lorsque survient l’élément fantastique, l’intrigue est déjà bien avancée et notre empathie pour les deux rivales et le piteux mari brille définitivement par son absence. Le film change de tournure au moment de visualiser les conséquences du sérum « magique ». Dès lors, Madeline et Helen se comportent comme des zombies cartoonesques qui cherchent en vain à s’entretuer à coup de pelle ou de fusil ! Les trucages numériques d’ILM sont incroyables, altérant la morphologie des comédiennes avec une démesure encore jamais vue à l’écran (le film sera à juste titre récompensé par l’Oscar des meilleurs effets visuels). Mais le récit se met alors à piétiner, à tourner en rond et à sombrer dans le grotesque. Les ambitions technologiques du film croissent en effet de manière inversement proportionnelle à celles du script, muant la satire sociale que nous étions en droit d’espérer en version live d’un épisode de Tom et Jerry ou de Bip Bip et le Coyote. C’est drôle et excessif, certes, mais finalement aussi creux et bancal que l’estomac troué de Goldie Hawn ou le cou désarticulé de Meryl Streep.

 

© Gilles Penso

 

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