LA NEUVIÈME VIE DE LOUIS DRAX (2016)

Alexandre Aja change de registre avec cet envoûtant et méconnu thriller fantastique riche en coups de théâtre

THE 9th LIFE OF LOUIS DRAX

 

2016 – CANADA / GB

 

Réalisé par Alexandre Aja

 

Avec Jamie Dorman, Aaron Paul, Sarah Gadon, Ayden Longworth, Oliver Platt, Barbara Hershey, Molly Parker, Alex Zahara, Luke Camilieri

 

THEMA ENFANTS I MONSTRES MARINS I MÉDECINE EN FOLIE I SAGA ALEXANDRE AJA

Œuvre de Liz Jensen, le roman « La Neuvième vie de Louis Drax » attire d’abord l’attention d’Anthony Minghella (Truly Madly Deeply, Le Patient anglais, Le talentueux Mr Ripley) qui en acquiert les droits en 2004 pour pouvoir l’adapter à l’écran. Mais le cinéaste s’éteint avant d’avoir pu concrétiser ce projet. Son fils Max Minghella décide alors d’en reprendre les rênes en signant lui-même l’adaptation du livre, exercice auquel il se livre pour la première fois dans la mesure où sa carrière est avant tout celle d’un comédien. Le film atterrit finalement entre les mains d’Alexandre Aja. Ce dernier connaît bien Minghella Jr, à qui il a confié un rôle clé dans Horns, et voit là l’opportunité de s’éloigner des films d’horreur purs et durs pour tenter d’autres explorations du cinéma de genre. La Neuvième vie de Louis Drax prend ainsi les allures d’un conte moderne, empreint d’une poésie qui n’est pas sans rappeler certains films de Jean-Pierre Jeunet, avant de virer au thriller à suspense proche des univers hitchcockiens (Sarah Gadon étant l’archétype parfait de l’héroïne blonde chère au réalisateur de Vertigo) puis de basculer dans un fantastique mi-onirique mi-psychanalytique. Autant dire que le septième long-métrage d’Alexandre Aja échappe aux étiquettes. « C’est un film qui parle d’un rapport extrêmement ambigu et trouble entre un enfant et sa mère », résume le cinéaste. « Ce n’est pas une histoire proche de quoi que ce soit que j’ai pu vivre personnellement, mais ce sont des personnages et des situations dans lesquelles je peux facilement me projeter. » (1)

C’est la voix de Louis Drax (Ayden Longworth), un garçon de neuf ans, qui nous guide dans ce récit atypique. Depuis sa naissance, l’enfant ne cesse de frôler la mort. Chaque année, il est en effet victime d’un accident qui risque de lui coûter la vie et dont il réchappe quasiment par miracle. Mais le jour de son neuvième anniversaire, les choses tournent vraiment mal. Alors que ses parents (Sarah Gadon et Aaron Paul), sur le point de se séparer, acceptent d’oublier momentanément leur discorde pour offrir un pique-nique à Louis, celui-ci tombe du haut d’une falaise jusque dans les eaux glacées desquelles les équipes de secours ne l’extraient que bien tardivement. Trompe-la-mort, il a encore survécu, mais cette fois-ci le voilà plongé dans un profond coma. Fasciné par son cas, le docteur Allan Pascal (Jamie Dorman) étudie son cas et enquête sur son passé. Et tandis que l’enfant, entre la vie et la mort, vit une expérience quasi-métaphysique où une étrange créature aquatique l’entraîne dans les abysses, le médecin voit son enquête semée de détails étranges qui finissent par le transporter aux frontières du monde réel…

Les formes de l’eau

Après ses hommages répétés au slasher et ses trois remakes, Alexandre Aja tient donc ouvertement à sortir des sentiers battus et des registres dans lesquels on l’attend. En ce sens, La Neuvième vie de Louis Drax poursuit la démarche amorcée avec Horns. L’intrigue est avant tout celle d’un thriller à rebondissements, mais le film flirte souvent avec le fantastique pur (notamment lors des visions de l’enfant dans le coma, voguant sous les eaux et dialoguant avec un monstre marin qui n’est autre qu’une vision fantasmée de son père) et y plonge littéralement lors de son dernier acte. Cette enquête médico-policière menée avec beaucoup de charisme par Jamie Dorman vire ainsi au paranormal jusqu’à une révélation finale perturbante qui nous offre une relecture inattendue du récit. Toutes les qualités propres au cinéma d’Aja sont plus que jamais au rendez-vous, notamment une photographie somptueuse de Maxime Alexandre, une très belle musique de Patrick Watson, des moments de tension cauchemardesques et une direction d’acteurs impeccable. « 50% de la direction des acteurs se fait au casting », nous explique Aja. « Ensuite vient bien sûr le travail commun pour aboutir à la meilleure des performances. Mais cette étape du choix des comédiens est cruciale. » (2) Tour à tour effrayante, drôle, émouvante, cette montagne russe émotionnelle est pourtant passée inaperçue sans même bénéficier d’une sortie en salles en nos contrées à cause d’une distribution internationale totalement chaotique. « Le film a directement atterri sur les plateformes sans passer par la case salles » (3), regrette le cinéaste. Raison de plus pour redécouvrir toutes affaires cessantes cette œuvre fascinante.

 

(1), (2) et (3) Propos recueillis par votre serviteur en juin 2021

 

© Gilles Penso

 

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