La figure récurrente de la victime humaine courant à travers bois, prise en chasse par un agresseur brutal et dénué d’émotion, pourrait être galvaudée et perdre tout son sel depuis tant d’années de survivals. Or le cinéaste parvient à lui redonner toute sa saveur primitive, muant son Manhunt en expérience éprouvante d’un point de vue émotif et sensoriel. La violence y est crue, la souffrance et la peur presque palpables, et les meurtres rivalisent de cruauté. Armes blanches, fusils, arcs et flèches, fils de fer barbelés, tous les moyens sont bons pour transformer la petite bande en viande hachée. Le mutisme des agresseurs et la tendance du cinéaste à ne presque jamais montrer leur visage participe pour beaucoup au sentiment d’épouvante qu’ils génèrent. D’autant que leurs motivations ne nous sont jamais révélées. Les prédateurs n’ont finalement d’humain que le visage, jouant surtout le rôle de révélateurs auprès des héros montrant vite leurs véritables personnalités. Le courage, la lâcheté et l’opiniâtreté sont du coup poussés à leur paroxysme. Quant à la bande son, elle s’orne régulièrement du son du cor de chasse, véritable glas aussi peu engageant que les ronronnements furieux de la tronçonneuse de Leatherface. Au motif classique du « redneck » congénitalement violent s’adjoint ainsi celui du gibier humain, Manhunt s’érigeant du même coup en descendant lointain des fameuses Chasses du comte Zaroff. Rien de bien neuf à l’horizon, certes, mais une chasse à l’homme qui demeure palpitante jusqu’à la dernière minute.
© Gilles Penso