ALPHAVILLE, UNE ÉTRANGE AVENTURE DE LEMMY CAUTION (1965)

Un polar futuriste situé sur une planète déshumanisée et réalisé par Jean-Luc Godard…

ALPHAVILLE, UNE ÉTRANGE AVENTURE DE LEMMY CAUTION

 

1965 – FRANCE / ITALIE

 

Réalisé par Jean-Luc Godard

 

Avec Eddie Constantine, Anna Karina, Akim Tamiroff, Jean-Pierre Léaud, Howard Vernon, Jean-Louis Comolli

 

THEMA FUTUR

Lorsque le chef de file de la Nouvelle Vague s’attaque à la science-fiction, il ne faut pas s’attendre à un space opera flamboyant mais plutôt à une fable d’anticipation évasive gorgée de considérations intellectuelles absconses et d’allusions éparses à l’univers de la bande-dessinée des sixties. Même ceux qui s’extasient devant la beauté plastique du Mépris et se laissent porter par le rythme trépidant d’À bout de souffle n’accorderont probablement qu’un regard amusé à Alphaville, film de détectives vaguement futuriste tourné à la va vite, avec peu de moyens et sans la moindre direction artistique, dans des décors parisiens réels et contemporains. Sans compter que le film souffre d’une interprétation, d’une photographie, d’un montage et d’une bande son très approximatifs. Eddie Constantine prête son physique rugueux et son accent américain au détective du futur Lemmy Caution (personnage qu’il incarna une demi-douzaine de fois depuis le début des années 50), sans sembler extrêmement convaincu par les scènes qu’on lui demande de jouer.

Lemmy Caution quitte la Terre pour une mission secrète sur Alphaville. Les habitants humanoïdes de cette planète sont dominés par Alpha 60, un ordinateur omniscient, qui assène généreusement sa sagesse et sa logique binaires. « Le temps est une substance avec laquelle je suis fait », déclame-t-il en paraphrasant Luis Borges. « Le temps est une rivière qui me transporte. Mais je suis le temps. C’est un tigre qui me déchiquette, mais je suis le tigre. » L’individualisme est banni sur Alphaville. Les citoyens de cette dystopie classique sont donc heureux mais passifs. La Bible / dictionnaire est réécrite chaque jour, modifiant le sens de certains mots et en bannissant d’autres, à la manière du « 1984 » de George Orwell. La mission de Lemmy est de ramener ou d’éliminer le professeur Von Braun, le scientifique qui a inventé Alpha 60, avant qu’il ne puisse détruire l’univers. Le véritable nom de Von Braun est d’ailleurs Léonard Nosferatu, ce qui en dit long sur son potentiel néfaste ! Mais un problème inattendu entrave le bon fonctionnement de cette mission : Lemmy tombe amoureux de Natascha, la fille de Von Braun (« son sourire et ses petites dents pointues me rappellent les vieux films de vampires », dit-il).

Les yeux d’Anna Karina

Le véritable enchantement d’Alphaville réside d’ailleurs dans les yeux d’Anna Karina, que l’on contemple sans se lasser tout au long des gros plans que Godard lui dédie généreusement. Parmi les idées amusantes du scénario, riche en références et en clins d’œil, on retiendra la nouvelle définition d’HLM (Hôpital Longues Maladies), le « Figaro Pravda » pour lequel Caution fait croire qu’il est envoyé en se faisant passer pour un journaliste, la « Ford Galaxie » qui est son véhicule favori, Guy l’éclair et Dick Tracy dont il demande des nouvelles à l’un de ses amis, ou encore deux professeurs inséparables qui se nomment Heckle et Jeckle. Au détour de son intrigue farfelue, Alphaville semble vouloir prôner l’individualisme et ridiculiser le totalitarisme. Les intentions sont louables, mais le résultat est d’une désarmante maladresse.

 

© Gilles Penso

 

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