RAMPO, LA PROIE ET L’OMBRE (1994)

Cet hommage au romancier Edogawa Rampo, émule japonais d’Edgar Poe, mêle la réalité et la fiction dans une enquête trouble et

angoissante…

RAMPO

 

1994 – JAPON

 

Réalisé par Kazuyoshi Okuyama

 

Avec Masahiro Motoki, Naoto Takenaka, Michiko Hada, Mikijoro Hira, Teruyuki Kagawa, Shiro Sano

 

THEMA DOUBLES

Rampo. Derrière ce nom énigmatique ne se cache pas un émule nippon du vétéran incarné par Sylvester Stallone dans First Blood mais un écrivain qui a réellement existé dans le Japon des années trente, Toro Hirai, en composant son pseudonyme comme un hommage à Edgar Poe. Ni biopic, ni adaptation spécifique d’un des nombreux romans de ce spécialiste du polar asiatique, le long-métrage de Kazuyoshi Okuyama prend des chemins de traverse, mettant en scène l’écrivain lui-même pour le perdre dans l’atmosphère d’un de ces récits et mêler confusément la réalité et la fiction. Le film s’efforce ainsi de retrouver la tonalité si particulière des livres de Rampo, partagés entre leur poésie macabre, leur lyrisme fantastique, leur caractère foncièrement anxiogène et leurs écarts horrifiques. Dans les pages de cet auteur dont l’œuvre foisonnante court de 1923 jusqu’à 1967, les crimes les plus sordides se muent en créations artistiques, les apparences sont trompeuses et le Mal prend les formes les plus inattendues. Cette étrangeté surgit dès les premières minutes du film.

À l’approche de la seconde guerre mondiale, l’éditeur Masashi Yokomizo montre au grand romancier Edogawa Rampo un article relatant un crime surprenant : une femme est soupçonnée d’avoir étouffé son époux dans son « nagamochi », une malle contenant le trousseau de l’épouse. Cette affaire offre une ressemblance frappante avec le crime perpétré dans la dernière nouvelle de Rampo. Et ce ne peut être qu’une coïncidence, puisque la Censure a interdit la publication de cet ouvrage. Intrigué, Rampo ne peut s’empêcher de rendre visite à la femme qui est au cœur de l’affaire : Shizuko. Celle-ci est le portrait même de la femme idéale qu’il avait imaginée. Il tombe amoureux d’elle, et ses sentiments semblent partagés par Shizuko. Rampo se met alors à écrire fiévreusement une suite à la nouvelle censurée. Il conte cette fois l’aventure du détective Kogoro Akechi, son alter ego sublimé, lancé sur la piste du double de Shizuko, séquestrée dans la demeure d’un marquis pervers.

Faux semblants

D’une grande beauté plastique, Rampo alterne ainsi sa narration entre la vie réelle de l’écrivain Edogawa Rampo et celle de son héros / double le détective Akechi, les deux finissant par se confondre en fusionnant. Plus l’intrigue avance, plus l’imagerie gothico-fantastique s’immisce jusqu’à évoquer par moments le cycle Roger Corman/Edgar Poe, avec une touche insolite supplémentaire qui ne ressemble à rien de connu. Beaucoup d’effets visuels inventifs émaillent le récit, en particulier de très belles peintures sur verre pour représenter le château du marquis Ogawara, de faux nuages nocturnes en aquarium lors d’une poursuite en voiture, plusieurs effets pyrotechniques et même des images de synthèse, le tout s’intégrant parfaitement à la recherche constante d’esthétisme propre au film. Parmi les nombreuses trouvailles visuelles de Rampo, on se souviendra par exemple de ce plan où Akeshi passe devant un miroir, ce dernier reflétant l’image de Rampo, ou des projections d’images érotiques sur le corps dénudé de Shizuko, des idées toutes simples mais très efficaces. On note aussi un très beau dessin animé, au tout début du film, qui visualise le crime décrit par le romancier. A vrai dire, le problème de Rampo provient essentiellement de son rythme excessivement lent, qui finit par nuire sérieusement à l’impact du récit.

 

© Gilles Penso

 

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