LA BÊTE DE YUCCA FLATS (1961)

Sans doute l’un des films de science-fiction les plus ratés et les plus involontairement drôles de l’histoire du cinéma

THE BEAST OF YUCCA FLATS

 

1961 – USA

 

Réalisé par Coleman Francis

 

Avec Tor Johnson, Douglas Mellor, Barbara Francis, Bing Stafford, Conrad Brooks, Linda Aten, Linda Bielema

 

THEMA MUTATIONS

Plan 9 From Outer Space, Robot Monster et Attack of the 50 Foot Woman ont longtemps concouru dans la catégorie « pires films de science-fiction de l’histoire du cinéma », mais ils sont allègrement coiffés au poteau par La Bête de Yucca Flats, un objet filmique tellement incongru qu’il laisse sans voix. Et pour cause ! Sa mise en forme elle-même défie l’entendement, puisqu’il s’agit d’un film muet déguisé en film sonore. L’intégralité du métrage a été en effet tournée sans prise de son, probablement pour faire des économies, laissant une voix off extrêmement pompeuse assurer la majeure partie de la narration. Ce commentaire omniprésent paraphrase l’action, présente les personnages, introduit et conclut chaque scène, n’en finit plus de répéter les mêmes informations en faisant office de remplissage et s’efforce de dramatiser à outrance les nombreux moments où il ne se passe absolument rien à l’écran. Les dialogues sont donc inexistants dans le film. Lors des rares moments où un personnage s’exprime vocalement, sa voix est off (il est de dos, hors champ ou très loin de la caméra), le subterfuge s’avérant immédiatement détectable. D’autant que de nombreux plans montrent les acteurs remuer les lèvres sans qu’aucun son ne sorte de leur bouche.

Si au moins l’intrigue parvenait à captiver les spectateurs, peut-être passeraient-ils outre ce parti pris sonore quasi surréaliste. Mais il n’en est rien, hélas ! Le colossal Tor Johnson incarne gauchement Joseph Javorsky, un savant échappé du bloc de l’est qui se réfugie aux États-Unis en possession d’une sacoche contenant des documents ultra secrets liés au lancement d’une fusée nucléaire. Deux espions russes sont à ses trousses. En voulant leur échapper, il traverse un champ de Yucca Flats où explose soudain une bombe atomique. Le voilà transformé en monstre : une chemise déchirée, un visage vaguement peinturluré (mais pas toujours, visiblement le maquilleur n’était pas disponible tous les jours) et quelques grimaces font l’affaire. Pour le reste, le réalisateur mise tout sur la corpulence impressionnante du catcheur suédois. Dès lors, « la bête » agresse mollement les gens qui passent à sa portée (un couple de vacanciers, une famille), mobilisant les forces de l’ordre de la région, autrement dit deux policiers.

L’ancêtre de Hulk ?

Bizarrement, le film commence par une scène qui n’a rien à voir avec le reste de l’intrigue : avec comme seule bande son un tic-tac de montre, une femme entièrement nue se regarde dans le miroir de sa salle de bains, se dirige dans sa chambre avec pour seul vêtement une serviette, puis se fait agresser par un homme qui l’étrangle et qui – visiblement – la viole. Manifestement conçue pour un autre film, cette introduction racoleuse permet de gagner quelques minutes et de faire démarrer le récit sur une note supposément choquante. Interminable malgré sa très courte durée (moins d’une heure), La Bête de Yucca Flats n’est notable que pour une seule raison : son postulat de départ (le savant se muant en colosse incontrôlable après avoir été frappé par une explosion expérimentale) semble avoir influencé Stan Lee lorsqu’il créa le personnage de « L’incroyable Hulk ». Le film étant sorti le 2 mai 1961 et le « Titan Vert » ayant fait ses premiers pas dessinés le 1er mai 1962, l’hypothèse se tient.

 

© Gilles Penso

 

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