L’HOMME INVISIBLE APPARAÎT (1949)

Cette variante japonaise autour du roman de H.G. Wells mêle la science-fiction, l’épouvante et le film noir…

TÔMEI NINGEN ARAWARU

 

1949 – JAPON

 

Réalisé par Shinsei Adachi et Shigehiro Fukushima

 

Avec Chizuru Kitagawa, Takiko Mizunoe, Daijirô Natsukawa, Mitsusaburô Ramon, Ryûnosuke Tsukigata, Shôsaku Sugiyama, Kanji Koshiba

 

THEMA HOMMES INVISIBLES

Connu outre-Atlantique sous les titres The Invisible Man Appears ou Enter the Invisible Man, L’Homme invisible apparaît est considéré comme le premier film de science-fiction majeur produit au Japon, quelques années après la fin de la guerre. Les remous du second conflit mondial et sa fin brutale telle qu’elle fut subie sur le sol nippon dictent d’ailleurs le texte d’ouverture du film : « Il n’y a ni bien ni mal dans la science, mais elle peut être utilisée dans un but bénéfique ou maléfique. » L’intrigue prend place à Kobe. Deux jeunes scientifiques ambitieux, le docteur Segi (Daijirô Natsukawa) et le docteur Kurokawa (Kanji Koshiba), s’opposent sur la méthode à adopter pour rendre un objet invisible. Leur mentor, le docteur Nakazato (Ryûnosuke Tsukigata), aimerait les départager. Pour compliquer un peu les choses, tous deux sont amoureux de sa fille Machiko (Chizuru Kitagawa). Or le vieux savant a lui-même trouvé la formule, sur laquelle il travaille depuis dix ans : « l’invisibiliteur atomique ». Il a expérimenté avec succès le fruit de ses recherches sur plusieurs animaux, mais il est kidnappé par des malfaiteurs cupides. Bientôt, une nouvelle incroyable se répand à Kobe : un homme invisible criminel traîne dans la ville. Et tout semble désigner Nakazato.

Comme beaucoup de films de l’époque, L’Homme invisible apparaît mêle la science-fiction aux codes du film noir pour broder une intrigue policière autour de son concept fantaisiste vaguement inspiré du classique d’Herbert George Wells. Car le mystérieux homme invisible qui sévit à Kobe est en quête d’un collier de diamants d’une fortune inestimable et semble prêt à tout pour le récupérer, au grand dam des forces de police locales bien vite désemparées. Reprenant l’une des idées du texte de Wells, le scénario de Nobuo Adachi part du principe que la formule d’invisibilité est irréversible et provoque des effets secondaires indésirables sur le système nerveux, provoquant la violence des cobayes. Pour sacrifier aux classiques du genre et cligner de l’œil vers le célèbre long-métrage de James Whale, l’homme invisible adopte ici le look traditionnel entré dans la culture populaire : le grand manteau, le chapeau, les gants, les bandages et les lunettes de soleil.

Rebondissements en cascade

Le film d’Adachi et Fukushima se distingue par des trouvailles visuelles dignes des expérimentations d’Alfred Hitchcock. La mise en scène joue ainsi habilement sur les miroirs et les reflets pour évoquer la duplicité du vil Ichirô Kawabe incarné par Shôsaku Sugiyama. Quelques plans en caméra subjective adoptent le point de l’homme invisible à travers ses bandages et se concentrent sur la réaction de ceux qu’il croise sur son chemin. Autre image iconique et très suggestive : le gros plan des yeux cupides de Kawabe qui se surimpressionnent sur le collier de diamants tant convoité. L’Homme invisible apparaît porte ainsi l’héritage du cinéma muet dont il conserve ce type de stigmate visuel, ses éclairages très contrastés et ses cadrages obliques n’étant pas sans évoquer les films expressionnistes allemands. Quelques numéros musicaux, de nombreux rebondissements et coups de théâtre, des trahisons, des tromperies, un ménage à trois compliqué, du mélodrame et de faux hommes invisibles viennent agrémenter ce film décidément très divertissant. En charge des effets spéciaux, le très talentueux Eiji Tsuburaya rivalise d’inventivité, alternant les séquences attendues (le déshabillage de l’homme invisible face à un témoin médusé) et les morceaux de bravoure inédits (la moto de police qui fonce seule dans les rues de Suma). Cinq ans plus tard, Tsuburaya passera à la postérité en concevant les effets spéciaux de Godzilla.

 

© Gilles Penso

 

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