CRONOS (1993)

Le premier long-métrage de Guillermo del Toro s’intéresse à un objet capable de transformer son possesseur en vampire…

CRONOS

 

1993 – MEXIQUE

 

Réalisé par Guillermo del Toro

 

Avec Federico Luppi, Ron Perlman, Claudio Brook, Margarita Isabel, Tamara Shanath

 

THEMA VAMPIRES

Tombé très tôt amoureux du cinéma fantastique et des grands monstres classiques, Guillermo del Toro envisage d’abord une carrière dans les effets spéciaux de maquillage. Il se forme aux côtés d’une légende de cette discipline, le grand Dick Smith (L’Exorciste, Au-delà du réel, Scanners) puis met cet apprentissage en pratique sur une demi-douzaine de longs-métrages et une poignée d’épisodes de séries TV. L’envie de passer à la réalisation finit par le titiller. Après quelques courts-métrages, il décide de s’attaquer au format long. Il lui faut sept ans pour arriver au bout du scénario de Cronos, qu’il assortit d’une innombrable quantité de notes et de croquis. Pour réunir les fonds nécessaires à sa mise en production, Del Toro n’hésite pas à hypothéquer sa propre maison. Le postulat du film s’inspire de bijoux réels, conçus dans les années 70, qui avaient la particularité de sertir des insectes vivants dans leur chaînette. Évidemment, de telles pièces d’orfèvrerie fascinent Del Toro qui imagine la possibilité qu’un de ces insectes soit un suceur de sang capable de transmettre le vampirisme. Toute l’intrigue du film s’articule autour de cette idée insolite.

Cronos commence par un mystère. Un alchimiste du 16ème siècle aurait découvert le secret de la vie éternelle en créant le Cronos, un petit objet doré renfermant un mécanisme secret. 400 ans plus tard, on retrouve son corps mourant dans les ruines d’un immeuble effondré, le teint pâle comme la mort. Les autorités fouillent son appartement de fond en comble, en vain. Officiellement, le Cronos n’a jamais existé. Or un jour du milieu des années 90, l’antiquaire mexicain Jesus Gris (Federico Lupi) trouve dans le socle d’une des statuettes de sa boutique le fameux objet. Tout d’abord intrigué, celui-ci se laisse peu à peu vampiriser par cette découverte qui va le transformer en une créature assoiffée de sang. Parallèlement, un riche industriel gravement malade, De la Guardia (Claudio Brook), qui convoite cet objet depuis de nombreuses années, confie à son brutal neveu Angel (Ron Perlman) la mission de retrouver le Cronos…

Le cabinet des curiosités

Malgré son attachement aux « Universal Monsters », Guillermo del Toro tient ici à éloigner le vampirisme de ses habituels atours gothiques pour l’aborder sous un angle résolument original. De fait, le phénomène est ici traité comme une addiction. Le Cronos agit donc sur Jesus à la manière d’une drogue. Le vieil homme a besoin de sa dose régulière, seule capable de le soulager. Le voilà devenu un misérable junkie, léchant les gouttes de sang tombées sur le sol des toilettes publiques pour assouvir sa soif inextinguible. Sans cesse surprenant, Cronos joue sur les ruptures de ton, alternant l’humour noir (notamment à travers les personnages d’Angel ou de l’embaumeur), la tendresse (quand il brosse la relation complice entre le grand-père et sa petite fille mutique), l’horreur (le vampirisme n’est pas sans conséquence sur l’organisme) et la mélancolie (au cours d’un dénouement déchirant). Conçu manifestement comme un hommage au cinéma d’Alfred Hitchcock, le climax vertigineux clôt le film sur une note spectaculaire. En même temps que sa filmographie de réalisateur, Guillermo del Toro inaugure avec Cronos la belle collection de son cabinet des curiosités, l’œuf/insecte doré étant le premier d’une série de spécimens du bestiaire étrange que le cinéaste mettra en scène au fil des ans.

 

© Gilles Penso


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