SINBAD (1989)

Lou Ferrigno incarne une version bodybuildée du célèbre héros des mille et une nuits dans cette improbable production Cannon…

SINBAD / SINBAD OF THE SEVEN SEAS

 

1989 – ITALIE

 

Réalisé par Enzo G. Castellari et Luigi Cozzi

 

Avec Lou Ferrigno, John Steiner, Roland Wybenga, Ennio Girolami, Hal Yamanouchi, Yehuda Efroni, Alessandra Martines, Teagan Clive, Daria Nicolodi

 

THEMA MILLE ET UNE NUITS

Après avoir confié deux fois d’affilée au massif Lou Ferrigno le rôle du plus célèbre des demi-dieux mythologiques dans Hercule et Les Aventures d’Hercule, Luigi Cozzi propose à la compagnie Cannon une troisième aventure fantastique mettant en vedette l’ex-star de L’Incroyable Hulk. Il s’agit cette fois-ci d’une relecture musclée des aventures de Sinbad le marin. Le projet s’amorce en 1986, mais Cozzi est finalement remplacé par Enzo G. Castellari, à qui nous devons notamment Les Guerriers du Bronx et Les Nouveaux barbares. Le scénario original de Cozzi est revu de fond en comble et Castellari part tourner des heures de rushes qui, au grand dam des producteurs Menahem Golan et Yoram Globus, s’avèrent catastrophiques. Désespérés par ces tonnes d’images inutilisables qui leur ont coûté plusieurs millions de dollars, les deux moguls rappellent Luigi Cozzi à la rescousse. Saurait-il sauver le film en proposant un nouveau montage ? Beau joueur, le réalisateur d’Hercule accepte, ajoutant l’idée que toute l’histoire est contée par une femme (incarnée par Daria Nicolodi) qui essaie d’endormir sa fille. L’ajout artificiel de cette narration – le plus souvent en voix off – est un moyen astucieux de relier entre elles des séquences qui se raccordent mal et de combler les vides d’un scénario souvent sans queue ni tête. Après avoir dépensé un demi-million de dollars supplémentaires, Golan et Globus se retrouvent avec un film certes bancal mais au moins exploitable.

Tout commence par un portrait en gros plan d’Edgar Allan Poe, qui nous laisse croire un instant que nous nous sommes trompés de film. Mais la voix off nous rassure : le film serait inspiré de la nouvelle « Le mille et deuxième conte de Shéhérazade » écrit en 1845 par Poe. Or si ce court récit existe bel et bien et s’intéresse à Sinbad le marin, il ne présente aucun rapport avec le scénario du film. Le Sinbad de Castellari et Cozzi emprunte surtout la majorité de son imagerie au Voleur de Bagdad des frères Korda : le calife bedonnant, barbu, bienveillant et naïf (Donald Hodson), sa jolie fille Alina qui se morfond en attendant la venue du prince charmant (Alessandra Martines, future héroïne de La Caverne de la rose d’or) et le vil vizir Jaffar qui déclame face à son miroir de grands monologues menaçants en écarquillant les yeux et en pointant ses ongles crochus vers la caméra (John Steiner, en totale roue libre). Sinbad, lui, a donc pris les traits épais de Lou Ferrigno. C’est un bagarreur costaud à la force colossale, bien plus proche d’Obélix que du légendaire marin des contes arabes (entre deux coups de poing, il se tient le ventre en criant « j’ai faim ! »). Pour couronner le tout, le film l’affuble d’un équipage parfaitement improbable : un nain hyperactif, un viking moustachu, un samouraï philosophe, un cuisinier trouillard et un prince joli cœur. Leur mission : traverser le monde pour retrouver les pierres magiques qui pourront faire cesser les agissements du très vilain Jaffar et rendre à la ville de Bassorah sa joie de vivre…

Les Amazones gymnastes et la sorcière catcheuse

Sinbad n’est pas avare en créatures fantastiques, seuls éléments réjouissants d’un film par ailleurs incroyablement pataud. Nous découvrons tour à tour les légions de la mort (des guerriers aux allures de squelettes encapuchonnés), un homme-pierre titanesque à l’œil unique lumineux, des soldats fantômes dans des armures médiévales anachroniques (leur résurrection au ralenti est un joli moment baroque digne des films de morts-vivants d’Amando de Osorio), des mutants primitifs au visage difforme ou encore un monstre bedonnant et dégoulinant qui lance des rayons laser. Généreux, le film nous offre aussi des Amazones gymnastes adeptes de danses tribales et une sorcière aux allures de catcheuse coiffée comme Tina Turner. Pour faire des économies, les producteurs réutilisent quelques plans d’Hercule (la terre qui flotte dans un paysage cosmique, l’île du crâne) et de Maciste contre les hommes de pierre (l’Oracle). Ne reculant devant aucune absurdité (Sinbad qui fabrique une échelle de corde avec des serpents pour s’échapper d’un cachot, la princesse à moitié nue livrée à une machine pleine de tuyaux qui est censée annihiler sa volonté, la cage en dessin animé qui enferme notre héros), constellé de dialogues d’une puérilité étourdissante, baigné d’une atroce musique synthétique de Dov Seltzer, Sinbad ne séduira pleinement que les amateurs de nanars et de cinéma bis saugrenu.

 

© Gilles Penso


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