US (2019)

Pour son second long-métrage, le réalisateur de Get Out plonge une famille en vacances dans un cauchemar vertigineux…

US

 

2019 – USA

 

Réalisé par Jordan Peele

 

Avec Lupita Nyong’o, Winston Duke, Elisabeth Moss, Tim Heidecker, Yahya Abdul-Mateen, Anna Diop, Evan Alex, Shahadi Wright-Joseph, Cali Sheldon, Noelle Sheldon

 

THEMA DOUBLES

L’accueil de Get Out fut tellement enthousiaste que Jordan Peele ne pouvait en rester là. Il s’attèle donc rapidement à un second long-métrage qu’il souhaite rattacher plus frontalement au genre fantastique en y injectant une bonne dose d’épouvante. Sa source d’inspiration principale est l’un des épisodes de La Quatrième dimension écrit par Rod Serling et réalisé par John Brahm en 1960. Son titre ? « Image dans un miroir ». Son sujet ? La mésaventure d’une jeune femme dans une gare routière, persuadée que son double maléfique tente de prendre le contrôle de sa vie. Bien sûr, ce postulat n’est qu’un prétexte au profit d’un discours que Peele souhaite plus profond, toujours ancré dans les préoccupations sociales de sa génération. « Il y a des milliers de kilomètres de tunnels sous les États-Unis », nous apprend un texte d’introduction. « Des réseaux de métro abandonnés, des voies de service inutilisées, et des mines qui ne sont plus exploitées. Beaucoup n’ont aucune utilisation connue. » La raison d’être de ce texte ne s’exprimera que plus tard. Pour l’heure, le prologue se situe en 1986 dans le parc d’attractions de la plage de Santa Cruz. Échappant à la surveillance de ses parents, la petite Adelaide se perd dans un inquiétant palais des glaces pendant un bon quart d’heure. Lorsqu’elle en ressort, elle est traumatisée. Nous la retrouvons à l’âge adulte, désormais épouse heureuse et mère de deux enfants. Mais ses fêlures sont toujours là. Et lorsqu’elle s’installe avec sa famille près de Santa Cruz pour les vacances, les coïncidences étranges se multiplient…

Si Get Out se suffisait amplement à lui-même, Us semble ne pouvoir pleinement exister sans les nombreuses références que Jordan Peele puise chez ses aînés. Au-delà de l’inspiration première empruntée à Rod Serling, la mécanique horrifique telle qu’elle s’installe en cours de métrage nous renvoie directement au principe des « Body Snatchers » développé dans L’Invasion des profanateurs de sépulture et ses remakes. Tout au long du film, les clins d’œil plus ou moins appuyés fusent : Génération perdue (nous sommes dans le parc de Santa Cruz en 1986) mais aussi Shining, Les Goonies, Funny Games, Vendredi 13 et même C.H.U.D., preuve que la culture de Jordan Peele en ce domaine brasse assez large. On note aussi un hommage direct à la scène d’attente angoissée sur la plage des Dents de la mer (allusion confirmée par le T-shirt que porte le jeune Jason dans cette séquence) et plusieurs références à Michael Jackson (avec notamment cet autre T-shirt à l’effigie du clip Thriller que porte l’héroïne en début de film).

De l’autre côté du miroir

Mais la référence la plus importante est d’ordre littéraire. Lorsqu’Adelaïde s’enfonce dans les sous-sols du palais des glaces et croise des dizaines de lapins blancs, comment ne pas penser à « Alice au pays des merveilles » ? D’autant qu’il est directement question ici de passage de l’autre côté du miroir, ce qui nous ramène à ce fameux épisode de La Quatrième dimension. Grâce à sa mise en scène millimétrée et à ses acteurs pleinement impliqués, Peele parvient à saisir ses spectateurs pour les plonger dans un contexte intrigant, puis carrément effrayant, voire ouvertement horrifique. La première moitié d’Us fonctionne à plein régime. Mais les situations finissent par se révéler répétitives et le cinéaste tire un peu à la ligne au lieu d’aller à l’essentiel. Résultat : les péripéties deviennent excessives, les réactions des protagonistes de moins en moins cohérentes et la peur cède le pas à l’incrédulité. Le problème s’accroit avec ces longs pavés de monologues auxquels le scénario sacrifie pour nous expliquer le fin mot de l’histoire. La subtilité tant espérée n’est pas au rendez-vous, la métaphore de la lutte des classes tombe un peu à plat et ce récit qui partait si bien nous laisse finalement un sentiment très mitigé, tout juste rattrapé par une ultime révélation habile qui remet en perspective une grande partie de l’intrigue.

 

© Gilles Penso


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