REPTILICUS, LE MONSTRE DES MERS (1962)

Ce film de dinosaure involontairement hilarant, garni d’effets spéciaux d’une désarmante maladresse, nous vient tout droit du Danemark…

REPTILICUS

 

1962 – DANEMARK

 

Réalisé par Sidney Pink et Ib Melchior

 

Avec Carl Ottosen, Ann Smyrner, Mimi Heinrich, Asbjörn Andersen, Marla Behrens, Bent Mejding

 

THEMA DINOSAURES

Le Danemark n’est pas une contrée habituée au cinéma fantastique. Du coup, lorsque le producteur, scénariste et réalisateur danois Sidney Pink se lança dans un film de dinosaure baptisé Reptilicus, la curiosité du public fut aiguisée… pas longtemps, hélas, étant donnée la piètre qualité du produit. La première partie décrit avec une gravité et un sérieux imperturbable – si l’on excepte les pitreries affligeantes du comique de service, le jeune employé du laboratoire – la découverte par le professeur Martens d’un tissu animal ramené d’une mine lapone. Après étude du spécimen, Martens conclut qu’il s’agit là de la queue d’un grand reptile. Il part donc en quête d’autres fragments de chair, malgré l’incrédulité de ses collègues. Refusant de lâcher le morceau, Martens est en fait persuadé que l’animal en question constitue le lien entre les reptiles et les mammifères, et que sa chair peut se régénérer à volonté. L’expérience qu’il pratique dans la foulée va lui prouver ses dires au-delà de toute espérance. Car le bout de queue, déposé en chambre froide, se met à reprendre vie et à grandir avant de se transformer en monstre préhistorique.

Avant que la bête ne fasse son apparition, l’action s’arrête brusquement et le film s’intéresse dès lors à trois protagonistes gagnant la ville. Le réalisateur fait alors subir au spectateur une longue visite guidée de Copenhague, avec fontaines, rues, monuments, restaurants, et une chanson intégrale dans un cabaret ! Le public, pour le moins surpris, met donc un moment à se remettre de ce long passage touristique pour le moins déplacé. Comme s’il avait été interrompu par une coupure publicitaire, le cours de l’intrigue reprend ensuite, et la créature se montre enfin. Reptilicus, « croisement d’un diplodocus et d’un animal amphibie » nous affirme-t-on sentencieusement, est en fait une marionnette animée n’importe comment qui ressemble à un dragon, crache un très ridicule acide vert en dessin animé et évolue timidement dans de pitoyables maquettes. À part trois tristes rétro-projection, on ne le voit jamais en même temps que les acteurs.

« Le croisement d’un diplodocus et d’un animal amphibie »

Pour donner une impression de spectaculaire, Pink abuse des stock shots de catastrophes, montre les déploiements de l’armée et la foule qui court. C’est donc d’un œil distant – et fort amusé au second degré – qu’on regarde ce monstre semer la panique en Scandinavie puis prendre la fuite. Gravement brûlé après l’assaut de Mark Grayson, responsable de la sécurité, notre Reptilicus s’enfonce dans la mer pour cicatriser ses plaies. Mais le bombarder est impossible, car dès lors chaque morceau du saurien donnerait naissance à autant d’exemplaires du monstre, comme une Hydre de Lerne d’un genre nouveau. Mais que faire, bon sang ? Tandis que les autorités s’arrachent les cheveux, les spectateurs se tiennent les côtes, jusqu’à une fausse happy-end des plus prévisibles. AIP, le distributeur américain, fut tellement consterné par le film qu’il menaça Pink de le traîner en justice, sous prétexte que Reptilicus était inexploitable ! Pour amenuiser quelque peu le désastre, le scénariste Ib Melchior fut chargé de tourner quelques scènes supplémentaires aux États-Unis.

 

© Gilles Penso


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