BRIGHT (2017)

Dans un monde alternatif où les humains cohabitent avec des créatures fantastiques, deux policiers enquêtent sur un puissant artefact magique…

BRIGHT

 

2017 – USA

 

Réalisé par David Ayer

 

Avec Will Smith, Joel Edgerton, Noomi Rapace, Lucy Fry, Edgar Ramirez, Veronica Ngo, Alex Meraz, Happy Anderson, Ike Barinholtz, Dawn Olivieri, Matt Gerald

 

THEMA HEROIC-FANTASY

Le concept de Bright est audacieux et surprenant : détourner les codes et les éléments récurrents du conte de fées, de la mythologie et de l’héroïc-fantasy (les orques, les elfes, la magie, les fées, les centaures, les dragons, les nains) pour les intégrer dans un contexte urbain et contemporain. Œuvre de Max Landis, le scénario prend place dans un Los Angeles alternatif où les humains cohabitent avec des créatures fantastiques et où la pratique de la magie est illégale. Will Smith y incarne Daryl Ward, un flic bourru et dur à cuire à qui on adjoint de force Nick Jakoby (Joel Edgerton), le premier policier orque du pays. Ce dernier est autant déprécié par les autres officiers de police que par ses anciens amis orques qui le voient comme un traitre. Comme on peut l’imaginer, les relations entre les deux coéquipiers sont loin d’être au beau fixe, surtout depuis qu’un voleur orque a tiré sur Ward et que Jakoby n’a pas réussi à l’arrêter. Un soir, les deux policiers interviennent dans le refuge d’un groupe extrémiste qui prophétise le retour du « Seigneur des Ténèbres », une ancienne figure semi-mythique vaincue il y a plusieurs millénaires. La seule survivante de cette intervention musclée est une jeune fille elfe nommée Tikka (Lucy Fry), en possession d’un objet rigoureusement interdit : une baguette magique.

Si le plaidoyer contre le racisme et les inégalités sociales qui sous-tend le récit (les orques sont les mal-aimés exploités par le système, les elfes représentent les castes supérieures) part d’un bon sentiment, il faut bien avouer qu’il est lourdement asséné aux spectateurs. D’autant que le concept d’un buddy movie dans lequel un flic humain fait équipe malgré lui avec un flic non humain est directement repris à Futur immédiat, qui détournait de manière bien plus subtile l’argument fantastique pour décrier les travers xénophobes de la société américaine. Les amateurs de jeux de rôles repèreront aussi de nombreuses similitudes entre Bright et « Shadowrun ». Au-delà de cette impression de déjà-vu, on peut regretter les failles d’un scénario finalement peu convaincant. Tout se résume en effet à une course-poursuite autour d’une baguette magique que chacun convoite pour des raisons différentes. Les dialogues ne font pas dans la finesse, les enjeux dramatiques sont confus et plusieurs rebondissements s’avèrent franchement difficiles à avaler, en particulier pendant le climax au cours duquel tout semble désespéré et tout se dénoue par miracle. Pourtant, l’initiative de Bright reste réjouissante, ne serait-ce que parce qu’elle se donne les moyens de ses ambitions. La direction artistique est soignée, les effets visuels très réussis, les scènes d’action généreuses (on ne compte plus le nombre de poursuites, de fusillades et de combats) et le travail des maquillages spéciaux est colossal. C’est l’œuvre du studio ADI, dirigé par Tom Woodruff Jr. et Alec Gillis.

Urban-Fantasy

« Dans l’histoire du cinéma et de la télévision, rares sont les films qui se seront avérés être de véritables festivals de maquillages spéciaux : Le Magicien d’Oz, La Planète des singes, Futur immédiat, Le Grinch… », explique Woodruff Jr. « Bright s’inscrit dans cette lignée. Cette production représentait une masse de travail colossale à la fois pour le design et la fabrication des prothèses et des effets de maquillage. Nous devions concevoir environ 200 orques aux looks spécifiques. » (1) Il est agréable de voir que les vieilles techniques – malgré la réussite indiscutable des créations numériques de la nouvelle Planète des singes – sont encore viables et marchent à merveille. Sous les prothèses de l’orque Nick Jacoby, Joel Edgerton s’avère incroyablement expressif. « Pour l’acteur, supporter le maquillage que nous lui avons appliqué pendant toute la durée du tournage fut une véritable épreuve », raconte Alec Gillis. « Nous avons tout fait pour que ces prothèses soient le moins inconfortables possibles, mais ça reste toujours difficile pour un acteur. Ce personnage était crucial dans le film, parce qu’il devait permettre aux spectateurs de comprendre et d’accepter le monde des orques. Nous n’avions donc pas droit à l’erreur. » (2) Cette réussite artistique et technique fait battre le cœur du film, malgré ses nombreuses scories, et l’on aurait largement tendance à préférer Bright au film précédent de David Ayer, le poussif Suicide Squad. A l’époque, Bright fit beaucoup couler d’encre dans la mesure où il s’agissait d’une des premières superproductions produites par Netflix. Mais la suite un temps envisagée ne fut finalement jamais tournée.

 

(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en juillet 2018

© Gilles Penso


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