PROJET WOLF HUNTING (2022)

Un film d’action coréen ultra-violent qui bascule soudain dans l’horreur et la science-fiction en éclaboussant l’écran de litres de sang…

NEUKDAESANYANG

 

2022 – CORÉE

 

Réalisé par Kim Hongsun

 

Avec Seo In-guk, Jang Dong-yoon, Choi Gwi-hwa, Park Ho-san, Jung So-min, Ko Chang-seok, Jang Young-nam, Sung Dong-il, Son Jong-hak, Lee Sung-wook

 

THEMA MÉDECINE EN FOLIE

Jusqu’alors, le nom de Kim Hongsun n’avait pas beaucoup retenu l’attention. Faiseur compétent de films de genre coréens volontiers portés sur l’action et le suspense, il s’était essayé à l’horreur en 2019 avec Metamorphosis sans pour autant faire couler beaucoup plus d’encre. Pour son cinquième long-métrage, le cinéaste décide de passer à la vitesse supérieure en imaginant un film au concept fort et à la violence exacerbée. Sa première source d’inspiration semble avoir été Les Ailes de l’enfer de Simon West, la fameuse production de Jerry Bruckheimer qui consacré Nicolas Cage comme star de cinéma d’action dans la foulée de The Rock. Du blockbuster de West, Kim Hongsun reprend l’idée d’un huis-clos dans lequel se retrouvent embarquée une horde de malfrats, de criminels et de psychopathes. Il remplace simplement l’avion par un cargo. Son idée complémentaire est d’adopter une tonalité extrêmement nerveuse et brutale et de greffer à l’histoire un élément de science-fiction décuplant en cours de métrage le sentiment d’oppression et de danger. C’est ainsi que se bâtit le scénario du Projet Wolf Hunting, que Kim Hongsun écrit lui-même. Pour brouiller davantage les cartes et sortir des sentiers battus, le réalisateur choisit dans le rôle de l’un des personnages les plus sadiques et les plus désaxés du film une superstar glamour de la pop coréenne, l’éphèbe ténébreux Seo In-guk.

Après qu’une extradition de criminels de Manille a été perturbée par un attentat suicide à l’aéroport (qui permet au film de démarrer de manière explosive), les autorités décident que le prochain groupe de détenus doit être transporté par la mer. Sous une garde lourdement armée, les dangereux condamnés sont menottés à bord d’un cargo. Meurtriers, mafieux, trafiquants, chefs de gangs, ils rivalisent tous de vilénie et de vices et nous sont présentés comme de véritables bombes à retardement. Très tôt, le spectateur sait que la situation s’apprête à dégénérer. La tension est palpable, parfaitement saisie par la caméra de Kim Hongsun. Lorsque les prisonniers s’unissent dans une tentative d’évasion coordonnée qui se transforme rapidement en émeute sanglante, l’ultra-violence s’invite sans retenue. Mais quand l’intrigue bascule subitement dans le fantastique, le gore éclabousse les écrans avec une vigueur accrue. Désormais, c’est par hectolitres que le sang se met à couler au fil de scènes de plus en plus hardcore…

Le bateau de la mort

Le carnage impitoyable qui se déclenche à bord du navire semble ne vouloir épargner personne, tant et si bien qu’il devient rapidement impossible de savoir qui va survivre et quelle sera la tournure des événements. Les notions mêmes d’antagonistes et de protagonistes ne cessent de se redéfinir en cours de route. Lorsque la situation vire au cauchemar sans issue, l’un des rescapés – provisoire ? – a le mot juste : « si ce n’est pas l’enfer, alors je ne sais pas ce que c’est. » La prodigieuse efficacité des effets gore s’appuie sur des effets spéciaux 100% physiques, à l’ancienne. Des prothèses, des maquillages spéciaux, des faux membres, des corps en mousse de latex et 2,5 tonnes de faux sang (selon les calculs du réalisateur) sont sollicités pour les besoins du film. Et ça se voit ! L’argument fantastique évoque Le Retour des morts-vivants et Re-Animator mais en évacuant toute forme d’humour, si l’on excepte cette euphorie burlesque qui finit par jaillir de manière presque incontrôlable face aux passages horrifiques les plus exubérants. D’autres références apparaissent au cours du récit, comme cette vision infrarouge de la créature qui semble empruntée à Predator. Mais plus que les allusions cinématographiques, c’est au cœur même de l’histoire de la Corée et de ses blessures que Le Projet Wolf Hunting semble puiser sa rage et sa folie destructrice. Le scénario se réfère en effet aux camps d’expérimentation humaine mis en place par les Japonais pendant la seconde guerre mondiale. De fait, la bête terriblement sanguinaire qui se déchaîne en deuxième partie de métrage se révèle elle-même une victime des horreurs de la guerre, une sorte de monstre de Frankenstein pathétique en révolte contre ses créateurs et par extension contre l’humanité entière. Ce n’est pas le moindre attrait de ce festival d’hémoglobine et de fureur dont la fin très ouverte semble vouloir appeler une suite.

 

© Gilles Penso


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