EXTRATERRESTRE (2011)

Le réalisateur de Timecrimes raconte une invasion extra-terrestre du point de vue d’un petit groupe de personnages coincés dans un huis-clos absurde…

EXTRATERRESTRE

 

2011 – ESPAGNE

 

Réalisé par Nacho Vigalondo

 

Avec Michelle Jenner, Carlos Areces, Julian Villagran, Raul Cimas, Miguel Noguera

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES

Après son premier long-métrage Timecrimes, qui fait découvrir son nom en 2007, Nacho Vigalondo dirige une poignée de courts-métrages avant d’attaquer son second long : Extraterrestre. Le titre semble annoncer la couleur, mais c’est un leurre. Car s’il est bien question d’un débarquement d’aliens, le scénario ne s’y intéresse qu’en biais pour mieux décortiquer frontalement le comportement de sa poignée de héros humains. La bande son sur laquelle défile le générique de début laisse imaginer une soirée joyeuse et arrosée. Julio (Julián Villagrán) se réveille un matin dans un appartement inconnu, incapable de se souvenir de ce qui s’est passé la nuit précédente. Il est seul dans les draps froissés du grand lit, mais une jeune femme s’agite dans la salle de bains. A-t-il passé la nuit avec elle ? Probablement. Elle non plus ne garde aucun souvenir des heures précédentes. Elle s’appelle Julia (Michelle Jenner) et, passé le moment d’embarras où tous deux échangent quelques banalités, Julio se prépare à quitter les lieux pour rentrer chez lui. Mais en regardant par la fenêtre, tous deux découvrent une gigantesque soucoupe volante qui plane dans les cieux en tournant sur elle-même, juste au-dessus des immeubles.

La science-fiction s’invite ainsi brutalement dans le quotidien. Les rues ayant été désertées, les lignes coupées et la télévision interrompue, aucune information ne circule de l’extérieur. Le récit reste donc centré sur Julio et Julia, peinant à décider comment réagir. En désespoir de cause, ils restent cloitrés dans l’appartement, jusqu’à ce que deux autres personnages entrent en scène : Ángel (Carlos Areces), un voisin curieux et envahissant, et Carlos (Raúl Cimas), le petit-ami de Julia. Les acteurs de ce « petit théâtre » étant réunis, l’histoire peut se développer. Dans ce huis-clos empruntant certains de ses effets à la mécanique du Vaudeville, tout le monde semble avoir quelque chose à cacher, voire à se reprocher. Les regards en disent plus que les mots. Et pendant que les relations humaines se complexifient, cette immense soucoupe qui semble échappée d’Independence Day reste obstinément suspendue dans les cieux.

Paranoïa

Le décalage entre l’invasion extra-terrestre à grande échelle – dont on ne verra quasiment rien et dont on ne saura pas grand-chose – et l’approche intimiste du film fait toute sa singularité. Car les OVNIS ne sont ici qu’un prétexte pour révéler les travers des personnages, exacerber leurs traits de caractères et inciter à la manipulation et au mensonge. À partir du moment où la théorie des body snatchers se développe au fil des conversations entre nos quatre personnages, tout le monde est suspect d’être un extra-terrestre caché derrière une apparence humaine. Une paranoïa autant grandissante qu’absurde s’installe ainsi jusqu’à faire basculer l’intrigue dans des retranchements extrêmes. Nacho Vigalondo nous mène par le bout du nez, laissant son scénario rebondir sans cesse. Même si les comportements des protagonistes ne sont pas toujours très compréhensibles et si certaines séquences traînent un peu sans aller nulle part, on apprécie la finesse du jeu des acteurs et les facéties de mise en scène de Vigalondo qui joue souvent avec les ellipses pour dynamiser son action et créer la surprise. Comme Timecrimes, Extraterrestre fera le tour des festivals du monde où il recueillera un accueil très chaleureux.

 

© Gilles Penso


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