RIDING THE BULLET (2004)

Le réalisateur Mick Garris s’empare d’une nouvelle de Stephen King pour se la réapproprier totalement et la muer en histoire de fantômes obsédante…

RIDING THE BULLET

 

2004 – USA

 

Réalisé par Mick Garris

 

Avec Jonathan Jackson, David Arquette, Cliff Robertson, Barbara Hershey, Erika Christensen, Barry Levy, Nicky Katt, Jackson Harris

 

THEMA FANTÔMES I SAGA STEPHEN KING

Lorsqu’il découvre la nouvelle « Un Tour sur le Bolid’ » de Stephen King, Mick Garris tombe sous le charme. Le cinéaste demande alors à l’écrivain l’autorisation d’adapter la nouvelle, ce que King accepte sans détour en souvenir de leurs nombreuses collaborations fructueuses. Conscient que le matériau initial (à peine trente pages) est insuffisant pour un long-métrage, le réalisateur du Fléau et de La Nuit déchirée s’en sert de point de départ pour développer un récit personnel et y adjoindre ses propres souvenirs. « Cette nouvelle de King à propos du choix entre la vie et la mort m’a beaucoup touché », explique Garris. « Je l’ai située en 1969, l’année où j’ai terminé mes études secondaires. J’ai perdu un frère et mon père a souffert d’une maladie qui lui a été fatale. J’écris et je filme des histoires d’horreur depuis longtemps, mais être personnellement confronté à la mort a eu un énorme impact sur moi. » (1) La nostalgie s’installe dès le générique de début, qui égrène des extraits de films super 8 sur la chanson « Time of the Seasons » des Zombies. L’étudiant Alan Parker (Jonathan Jackson), obsédé par d’incessantes idées noires, manque de se suicider le jour de son anniversaire. Mais alors qu’il est dans sa baignoire, une lame de rasoir à la main, un homme hideux dans une tenue noire lui dit « tranche ! », tout comme les visages féminins dessinés sur les murs. Il n’en faut pas plus pour le stopper dans son élan.

Alan est en effet en proie à des hallucinations contaminant sa réalité. Il voit régulièrement un double de lui-même qui lui parle et lui donne son avis sur la situation. Il imagine aussi des scènes qui se mêlent à des souvenirs réels. Pour retrouver sa mère (Barbara Hershey), victime d’une crise cardiaque et hospitalisée, il fait de l’auto-stop en pleine nuit et croise sur la route plusieurs personnes saugrenues : un vieil homme qui croit voir sa femme décédée, deux fous furieux qui le coursent avec un fusil, un chien sauvage qui l’attaque… Indépendamment, chacune de ces saynètes fonctionne, mais elles sont juxtaposées artificiellement sans faire avancer l’intrigue. De fait, le voyage initiatique attendu se mue en une sorte de train fantôme un peu vain. Après toutes ces digressions, le scénario reprend le fil de la nouvelle lorsqu’à la sortie d’un cimetière qu’il visite furtivement au milieu de la nuit, Alan est embarqué par un automobiliste (David Arquette) au volant d’une Plymouth Fury (la même que celle de Christine). L’homme s’appelle George Staub. Or son nom était sur l’une des pierres tombales du cimetière.

Le jeune homme et la mort

Staub ravive dans la mémoire d’Alan le souvenir du Bolid, un rollercoaster de parc d’attractions qu’il refusa de prendre avec sa mère lorsqu’il était adolescent, de peur que la mort le fauche au passage. Aujourd’hui, le chauffeur d’outre-tombe lui lance un ultimatum. Alan ou sa mère doit monter sur le Bolid et mourir. Est-il prêt à se sacrifier pour la sauver ? Au-delà de ses nombreux ajouts scénaristiques, Mick Garris appose sa patte partout sur le film, laissant sa caméra voltiger autour des personnages avec virtuosité (même si ces mouvements ont des vertus plus esthétiques que narratives) et faisant apparaître sur la route un corbeau qui semble échappé du Fléau. Il joue lui-même le petit rôle d’un médecin. Riding the Bullet est un film maladroit et erratique, mais empreint de sincérité et d’une tristesse authentique. Sorti en catimini au cinéma aux États-Unis, il est distribué en DVD un peu partout ailleurs et ne rencontre qu’un succès très limité, ce qui n’empêche pas Mick Garris d’être fier de ce film, sans le doute le plus personnel de sa carrière. « Je n’ai pas eu beaucoup de compromis à faire sur ce film car c’était un très petit budget », se souvient le réalisateur. « Il n’a pas vraiment rencontré le grand public, mais je reçois encore des messages de gens qui ont été touchés par lui après avoir récemment perdu un proche. Ça signifie beaucoup pour moi. » (2)

 

(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en juin 2017

© Gilles Penso


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