VANILLA SKY (2001)

Tom Cruise, Penelope Cruz et Cameron Diaz tiennent la vedette de ce remake américain du troublant Ouvre les yeux…

VANILLA SKY

 

2001 – USA

 

Réalisé par Cameron Crowe

 

Avec Tom Cruise, Penelope Cruz, Cameron Diaz, Kurt Russell, Jason Lee, Noah Taylor, Timothy Spall, Tilda Swinton, Michael Shannon, Shalom Harlow

 

THEMA MÉDECINE EN FOLIE I RÊVES I MONDES PARALLÈLES ET VIRTUELS

C’est au festival de Sundance que Tom Cruise découvre Ouvre les yeux, le second long-métrage d’Alejandro Amenabar. Totalement sous le charme de cette fable insolite et cauchemardesque, l’acteur/producteur prend une option sur les droits d’un remake. Il rêve en effet de mettre en chantier une version américaine du film et de s’octroyer le premier rôle, tenu en 1997 par Eduardo Noriega. Le réalisateur auquel il pense est Cameron Crowe, qui l’a dirigé en 1996 dans Jerry Maguire et qu’il invite chez lui pour visionner le film d’Amenabar. Crowe accepte aussitôt et inscrit ce remake dans son calendrier juste après la finalisation de Presque célèbre. Pour le réalisateur, réinventer Ouvre les yeux sera un exercice identique à celui d’un groupe de rock qui se réapproprie une chanson pour en proposer une reprise. Au terme de « remake », il préfère d’ailleurs celui de « remix ». Sa volonté de se démarquer de son modèle tout en restant respectueux passe par un changement de titre. En traversant l’Atlantique, Ouvre les yeux devient Vanilla Sky. Cette expression énigmatique est empruntée à une réplique que prononcera Tom Cruise dans le film en décrivant les cieux couleur vanille peints par Claude Monet dans ses tableaux, notamment le fameux « Les Cieux à Argenteuil. » Crowe qualifiera d’ailleurs son film d’impressionniste.

Tom Cruise incarne ici David Aames, propriétaire d’une grande maison d’édition héritée de son père. Alors qu’il joue les playboys à Manhattan, les membres du conseil d’administration (qu’il surnomme « les sept nains ») le regardent d’un air sévère et tiennent le business en place avec fermeté. Après avoir gentiment éconduit sa petite-amie du moment, Julie (Cameron Diaz), David organise une fête pour son anniversaire au cours de laquelle son meilleur ami Brian (Jason Lee) lui présente la pétillante Sofia (Penelope Cruz qui, fait surprenant, reprend le rôle qu’elle tenait dans Ouvre les yeux, assurant du même coup un lien solide entre les deux films). C’est le coup de foudre immédiat, et Vanilla Sky pourrait tranquillement prendre les atours d’une sympathique comédie romantique. Mais ceux qui sont familiers avec le film d’Amenabar savent qu’il n’en est rien. Des flash-forwards troublants commencent à s’immiscer dans le récit, nous montrant David incarcéré, le visage dissimulé derrière un masque, se confiant à un psychiatre compréhensif incarné par Kurt Russell. Bientôt, la tangibilité du récit finit par s’étioler, poussant le spectateur à se demander si ce qu’il voit est réel ou non. De nombreuses répliques du film appuient la théorie d’un songe fiévreux. « Tout n’est qu’un cauchemar » dit ainsi David à son psychiatre. « C’est un rêve ? » lui demande plus tard Sofia. « Réveille-toi ! » lui ordonneront dans d’autres scènes Julie puis son avocat. « Faites-vous la différence entre les rêves et la réalité ? » finira par lui demander le psychiatre.

Quand Cruise croise Cruz

À la mise en scène sobre et élégante d’Amenabar, Cameron Crowe préfère une stylisation sophistiquée qu’on ne peut s’empêcher de trouver moins efficace, saturant sa bande son de chansons pop, surdécoupant son montage pour montrer le trouble du héros (et ce dès le fameux cauchemar du prologue où David s’éveille dans une mégapole déserte), s’attardant sans doute trop sur les visages de ses acteurs pour laisser leur charme opérer à l’écran (le sourire ravageur de Tom, le regard de velours de Penelope). Vanilla Sky nous semble de fait moins spontané et plus « maniéré » que son modèle. En revanche, le maquillage défigurant conçu par Michele Burke est moins spectaculaire que celui de Colin Arthur pour Ouvre les yeux, évitant le côté « freak » difforme. Ce choix est sans doute dicté par la production, désireuse de capitaliser sur la présence de Tom Cruise et de le rendre reconnaissable jusqu’au bout. Une réplique du film prononcée par David crée à ce propos un étrange effet de mise en abîme. « Il ne s’agit pas de vanité », dit-il aux chirurgiens esthétiques qui ne peuvent lui rendre son visage d’avant, « il s’agit de fonctionner dans ce monde : je dois être opérationnel ! » Au cours de son dernier acte, Vanilla Sky révèle enfin sa propre personnalité et la sensibilité singulière de son auteur, réinvestissant l’œuvre d’Amenabar pour la faire sienne tout en restant fidèle à sa narration. Les spectateurs les plus attentifs remarqueront la présence de Steven Spielberg dans le rôle d’un invité de la fête d’anniversaire (Tom Cruise et lui étaient alors en train de préparer Minority Report). Les amateurs de commérages savent quant à eux que ce film marque le point de départ d’une relation torride – mais éphémère, comme souvent à Hollywood – entre Cruise et Cruz, dont la quasi-homonymie avait quelque chose d’étrangement poétique.

© Gilles Penso


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