JEKYLL (2007)

Dans cette relecture modernisée du mythe, le bon docteur et son redoutable alter-ego tentent de cohabiter en limitant les dégâts…

JEKYLL

 

2007 – GB

 

Créée par Steven Moffat

 

Avec James Nesbitt, Gina Bellman, Paterson Joseph, Denis Lawson, Michelle Ryan, Meera SYal, Fenella Woolgar, Linda Marlowe, Andrew Byrne, Christopher Day

 

THEMA JEKYLL ET HYDE

Producteur d’une poignée de téléfilms tels que le drame historique The Four Minute Mile, la comédie romantique Liaisons étrangères ou l’enquête policière Bloodlines : Legacy of a Lord, Jeffrey Taylor envisage une version moderne des aventures du docteur Jekyll et de Mister Hyde au milieu des années 1990, mais les compagnies américaines vers lesquelles il se tourne pour leur proposer ce projet ne se montrent pas particulièrement intéressées. Taylor se penche alors vers la Grande-Bretagne et trouve une oreille attentive du côté de la société Hartswood Films, justement à la recherche d’une idée de thriller surnaturel pour alimenter une mini-série. C’est ainsi que naît Jekyll, co-produit par Stagescreen Productions et BBC One. La productrice Elaine Cameron confie à Steven Moffat l’écriture des six épisodes et la supervision artistique du programme, envisagé non pas comme une nouvelle adaptation du roman de Robert Louis Stevenson mais plutôt comme une variante / suite qui se déroulerait à notre époque. Le tournage étant divisé en deux parties distinctes, les trois premiers épisodes sont réalisés par Douglas Mackinnon et les trois suivants par Matt Lipsey, deux téléastes de talent.

Du jour au lendemain, sans explication, le docteur Tom Jackman (James Nesbitt), marié et père de deux enfants, a abandonné sa famille pour partir s’installer dans un appartement en sous-sol lourdement fortifié. Il engage une infirmière psychiatrique, Katherine Reimer (Michelle Ryan), pour l’aider à résoudre un cas parfaitement inhabituel. En effet, à intervalles réguliers, le médecin change radicalement de personnalité. Son alter ego ne se contente pas de posséder une psychologie différente (il est plus jovial, plus séducteur, plus agressif, plus violent) mais aussi de capacités physiologiques nouvelles, notamment des sens accrus, une grande force et une vitesse presque surhumaine. Étant donné que ce phénomène ressemble comme deux gouttes d’eau à celui décrit par l’écrivain R.L. Stevenson dans son roman « L’Étrange cas du docteur Jekyll et de Monsieur Hyde », Jackman se demande s’il ne s’agit pas d’une histoire vraie et s’il n’est pas lui-même le descendant de Jekyll. Son double prend donc le nom de Hyde et tous deux concluent une sorte de pacte du silence. Si Hyde comment un meurtre, Jackman ira se dénoncer à la police. Mais si le docteur tente de trouver un traitement contre cette transformation, Hyde se donnera la mort et les tuera donc tous les deux.

Le pacte du silence

Ce n’est pas tant la modernisation du mythe qui marque la singularité de cette énième adaptation mais surtout l’inscription du livre de Stevenson au sein-même de son récit, offrant du même coup aux téléspectateurs une mise en abyme surprenante. Ce simple élément scénaristique parvient à crédibiliser le phénomène surnaturel du dédoublement de Jackman. Bien sûr, l’un des plus gros atouts de la série est James Nesbitt, dont l’interprétation flamboyante – toujours à la limite de l’excès et du cabotinage, en un jeu d’équilibriste fascinant – irradie tout l’écran. Tour à tour séduisant, drôle et terrifiant, ce Hyde est l’un des plus mémorables d’une filmographie qui en compte pourtant beaucoup. L’idée d’un double vecteur de communication entre les deux facettes du même homme (l’infirmière mais aussi un magnétophone à cassette sur lequel ils s’enregistrent des messages) enrichit la narration de possibilités nouvelles et inattendues. Tout comme l’adjonction de cette organisation secrète qui commence à s’intéresser de près au cas du docteur Jackman. La qualité de la mise en scène, la précision de l’écriture et la réaction très positive du public laissaient espérer une seconde saison, pour laquelle Steven Moffat avait déjà élaboré plusieurs scénarios. Mais la BBC préfère s’en tenir là. Jekyll n’aura donc duré que six épisodes. Moffat prendra sa revanche en mettant sa plume au service des séries Doctor Who, Sherlock et Dracula.

 

© Gilles Penso


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