LA MORT PREND DES VACANCES (1934)

Incapable de comprendre pourquoi les humains ont peur d’elle, la Mort décide de se mêler à eux et d’étudier leur comportement…

DEATH TAKES A HOLIDAY

 

1934 – USA

 

Réalisé par Mitchell Leisen

 

Avec Frederic March, Evelyn Venable, Guy Standing, Katharine Alexander, Gail Patrick, Helen Westley, Kent Taylor, Kathleen Howard, Henry Travers

 

THEMA MORT

Écrite en 1924 par l’auteur italien Alberto Casella, la pièce « La Morte in vacanza » est adaptée pour la scène américaine en 1929 par Walter Ferris et triomphe à Broadway jusqu’en été 1930. Hollywood s’empare à son tour de cette histoire à mi-chemin entre le conte fantastique et la comédie romantique, par l’entremise du réalisateur Mitchell Leisen (L’Aventure d’une nuit, Par la porte d’or, La Mère du marié) et du duo de scénaristes Maxwell Anderson (À l’Oust rien de nouveau) et Gladys Lehman (Le Torrent de glace). Le postulat de la pièce – et donc du film – ne manque pas de sel : se demandant pourquoi les gens la craignent, la mort décide de se joindre à un groupe d’humains pendant trois jours, espérant ainsi trouver une réponse. La première apparition de la Camarde est une évocation surréaliste inquiétante, combinant des maquettes et des effets optiques supervisés par le vétéran Gordon Jennings. On y voit une ombre étrange qui s’insère entre deux voitures sur une route de montage. La Mort prend ensuite ses atours classiques d’être encapuchonné translucide et révèle son identité au duc Lambert (Guy Sranding). Tous deux passent un accord, selon lequel la Faucheuse se fera passer pour le prince Sirki, un hôte du duc. Dès lors, c’est Frédéric March (inoubliable héros à deux visages du Docteur et Jekyll et Mister Hyde de Rouben Mamoulian) qui incarne la mort.

March incarne à merveille cette créature surnaturelle qui s’efforce d’avoir l’air humaine sans trop savoir comment s’y prendre. La démarche rigide, un monocle vissé sur l’œil droit, ce faux prince aborde sans cesse des sujets un peu morbides avec un détachement qui ne cesse de surprendre les autres convives. La plupart attribuent ce comportement au fait qu’il soit étranger, issu d’une culture différente. Mais seuls les spectateurs – et le duc – sont en mesure d’apprécier pleinement le double sens de chacun de ses propos. « Qui est ce prince ? » s’interroge l’une des invitées. « Il nous attire et nous effraie tant », ignorant qu’elle n’est pas loin de percer son secret. « Je suis une menace, une ombre, une errance » affirme Sirki lui-même pour se définir, subissant une véritable crise d’identité. « Je croyais la revêtir comme un vêtement et l’enlever aussi facilement » dit-il au duc en parlant de son enveloppe charnelle provisoire. Mais en effleurant les plaisirs de la chair, il est troublé, forcément. Et tandis qu’il s’initie à l’amour, plus personne ne décède sur Terre…

Le prince des ténèbres

Les dialogues brillants et l’interprétation impeccable du film sont ses atouts les plus forts. On en oublierait presque l’ultra-classicisme de la mise en scène très théâtrale de Mitchell Leisen et l’omniprésence de sa musique (puisant régulièrement dans le répertoire classique) qui a tendance à faire office de remplissage au lieu de participer pleinement à la narration. Il n’empêche que La Mort prend des vacances est un film d’une folle élégance distillant un délicieux charme suranné. Il faut aussi saluer l’impeccable direction artistique, qui nous rappelle que le réalisateur a commencé à Hollywood comme chef costumier. Le dernier acte s’appuie sur un suspense particulièrement efficace, lié à la décision que s’apprête à prendre Grazia (Evelyn Venable), la fiancée du fils du duc dont la Mort s’est éprise, tandis que le compte à rebours vers minuit s’écoule à toute allure. Va-t-elle rester parmi les siens ou accompagner le prince jusque dans son lointain royaume ? Connu également en France sous le titre Trois jours chez les vivants, Le Défunt récalcitrant fera l’objet d’un très beau remake en 1998 réalisé par Martin Brest sous le titre Rencontre avec Joe Black. Brad Pitt y reprend le rôle de la Mort et Anthony Hopkins celui du duc.

 

© Gilles Penso


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