THE OPEN (2015)

Trois survivants de la fin du monde trompent leur ennui et donnent du sens à leur vie grâce à des parties de tennis sans balles ni filets…

THE OPEN

 

2015 – FRANCE

 

Réalisé par Marc Lahore

 

Avec James Northcote, Maia Levasseur-Costil, Pierre Benoist

 

THEMA FUTUR

Marc Lahore est un cinéphile compulsif et un grand amateur de bandes dessinées qui allait forcément, tôt ou tard, franchir le pas du long-métrage. Après une série de courts-métrages expérimentaux et de fictions cultivant volontairement leur singularité et leur approche esthétique, il se lance dans un défi qui n’a rien de simple. Son premier film sera en effet une fable de science-fiction futuriste, rien que ça ! Mais The Open ne doit rien à Blade Runner ni même à Mad Max. A vrai dire, il ne ressemble à rien de connu, poussant Patrice Leconte, lorsqu’il découvre le résultat final, à le qualifier de « parfait OVNI, barré, extrémiste, archi-réussi, procédant d’une démarche magnifique et culottée. » Le postulat lui-même laisse perplexe. Après une catastrophe apparemment nucléaire, deux hommes et une femme tentent de survivre dans un monde post-apocalyptique (filmé avec la sobriété et le réalisme d’un Malevil) où la civilisation semble avoir disparu. Leur raison de vivre est désormais l’organisation de parties de tennis surréalistes, sans filets ni balles. Cette pratique sportive est absurde, n’a absolument aucun sens, mais c’est pourtant ce qui leur donne la force de survivre. Ces trois êtres ont tout perdu, n’ont plus rien, si ce n’est un besoin irrépressible de redonner du sens à leur existence. Alors pourquoi pas des parties de tennis sans balles ni filets ?

Interrogé sur son envie de mettre en scène des parties de tennis irrationnelles dans son premier long-métrage, Marc Lahore déploie plusieurs arguments. « Le tennis m’apparaît comme un sport éminemment cinématographique, typiquement westernien, dont l’histoire est d’ailleurs émaillée de duels et rivalités mythiques », explique-t-il. « Quant à sa forme même, à son atmosphère, sa dimension purement plastique… Toutes m’évoquent les duels de Sergio Leone. J’ai appris à aimer ce sport ; son esthétique, son rythme, ses règles. Ainsi qu’à apprécier l’abnégation, la concentration, l’énergie, de même que les aptitudes stratégiques et physiques qu’il exige de ses pratiquants. » (1) Le budget du film étant réduit à sa plus simple expression, Lahore joue la carte du minimalisme des deux côtés de la caméra. Son équipe technique se résume donc à neuf personnes (comédiens compris), réunies dans des conditions précaires pendant trois semaines au cœur des Highlands d’Ecosse. Après avoir bravé le froid, la pluie, le vent, le brouillard, la boue et les inondations, ils rentrent au bercail avec le film en boîte. Un film faisant fi de ses faibles moyens pour réinventer en plein air le huis-clos de Jean-Paul Sartre.

Mad Match

Le postulat absurde de The Open peut laisser craindre un essoufflement rapide du scénario, d’autant que le film ne cherche ni à dépasser ce concept, ni à développer d’incessants rebondissements. L’austérité et la répétitivité de l’intrigue peuvent donc rebuter, mais la démarche demeure fascinante. Car on finit par se prendre au jeu de ce sport virtuel devenu vital pour les survivants de l’apocalypse, seul but d’une existence devenue dérisoire. On pense aux parties imaginaires du joueur d’échec de Stefan Zweig, et l’on se laisse volontiers porter par la prestation extrêmement convaincante d’un trio d’acteurs étonnants, filmés dans des décors naturels à la stupéfiante beauté sauvage dont chaque recoin (montagnes, vallées, passages, plages, campements) est ici rebaptisé avec des noms de grands tennismen. Plus on y réfléchit, plus on se dit que le tennis n’est finalement qu’un prétexte qui en vaut bien un autre. Car ce que raconte The Open, en substance, c’est le besoin indispensable de se raconter des histoires, de transformer l’illusion en réalité, de se réfugier dans l’inexistant pour le rendre tangible. Finalement, n’est-ce pas l’essence même du cinéma et de la fiction ?

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans « Film International » en novembre 2015

 

© Gilles Penso


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