LE MOULIN DES SUPPLICES (1960)

Dans ce classique de l’épouvante italienne, un écrivain fait la connaissance d’un étrange sculpteur qui semble partager avec sa fille un terrible secret…

IL MULINO DELLE DONNE DI PIETA

 

1960 – ITALIE / FRANCE

 

Réalisé par Giorgio Ferroni

 

Avec Pierre Brice, Scilla Gabel, Dany Carrel, Wolfgang Preiss, Robert Boehm, Liana Orfei, Marco Guglielmi, Olga Solbelli, Alberto Archetti

 

THEMA MÉDECINE EN FOLIE

Écrit à huit mains par Remigio Del Grosso, Giorgio Ferroni, Ugo Liberatore et Giorgio Stegani, le scénario du Moulin des supplices s’amorce de manière très anodine puis s’achemine habilement vers son argument fantastique, qui évoque à la fois Les Yeux sans visage (la transfusion sanguine remplaçant ici la greffe de peau) et L’Homme au masque de cire (les statues d’un carrousel se substituant aux figures du musée de cire). Le générique cite un livre qui aurait servi d’inspiration au film, « Les Contes flamands » de Pieter van Weigen, mais nul ne sait si cet ouvrage existe réellement. Toute jeune comédienne à l’époque, Dany Carrel, qui incarne une étudiante échappant de justesse à une mort horrible, se remémorait avec beaucoup de bonheur cette expérience cinématographique plusieurs décennies plus tard. « S’il est un cinéma que j’affectionne, c’est le cinéma fantastique, le cinéma de tous les possibles, de tous les rêves, des truquages les plus fous aux histoires les plus délirantes », affirmait-elle. « Le Moulin aux supplices était une histoire folle de savant fou, pour un film totalement fou. Modèle du cinéma fantastique italien, valeur sûre des cinémathèques, le film est aujourd’hui considéré comme un chef-d’œuvre du film de terreur. » (1)

Quelle est donc cette « histoire folle » ? C’est d’abord celle de l’écrivain Hans Van Arnam (Pierre Brice) qui, à la demande de son éditeur, débarque à Veeze, une petite bourgade près d’Amsterdam, dans le but d’y rencontrer le sculpteur Gregorius Wahl (Robert Boehm, ex-docteur Mabuse), à l’occasion du centenaire d’un célèbre carillon. Reclus dans un vieux moulin reconverti en macabre musée de cire, surnommé « le moulin aux femmes de pierre » par les gens du village, Wahl vit avec le docteur Bolem (Wolfgang Preiss) et sa fille Elfie (Scilla Gabel), une jeune femme superbe mais atteinte d’une maladie mystérieuse et incurable. Un soir, la belle fait des avances à Hans avant de trépasser subitement sous ses yeux. A peine remis du choc, Hans la retrouve plus tard en parfaite santé. Est-il en train de devenir fou, ou le moulin cache-t-il un terrible secret ? Et comment expliquer ces nombreuses disparitions de plusieurs femmes dans la région ?

Le carrousel macabre

Cette co-production franco-italienne, qui n’est pas très éloignée dans son atmosphère des travaux de Mario Bava, Antonio Margheriti ou Riccardo Freda, bénéficie d’une très belle photographie de Pierre Ludovico Pavoni (Le Monstre aux yeux verts) et de somptueux décors gothiques conçus par Arrigo Equini (Hercule contre Moloch). L’usage de la couleur évoque une autre référence : les films de la Hammer, que Giorgio Ferroni semble garder à l’esprit pendant une bonne partie du métrage. Difficile de ne pas tomber sous le charme de Scilla Gabel, une beauté brune à la Martine Beswick qui prête ses traits envoûtants à la fille du sculpteur. Les spectateurs allaient plus tard la retrouver dans le rôle d’Hélène de Troie dans la mini-série L’Odyssée. Au cours du final, le carrousel macabre des statues de suppliciés s’anime une dernière fois au milieu des flammes, dans une très belle scène où apparaissent, derrière le matériau fondu, les crânes des victimes du sculpteur, comme dans le dénouement de How to Make a Monster. L’incontournable incendie final du moulin, qui nous renvoie directement au Frankenstein de James Whale, clôt en beauté cette œuvre très soignée et finalement très singulière, malgré toutes celles auxquelles elle se réfère.

 

(1) Extraits des mémoires de Dany Carrel, éditées chez Robert Laffont en 1991.

 

© Gilles Penso


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