SPIDER-MAN LOTUS (2023)

Produite sans l’autorisation de Marvel ou Sony, cette aventure inédite réalisée par un lycéen de 19 ans a pris tout le monde par surprise…

SPIDER-MAN LOTUS

 

2023 – USA

 

Réalisé par Gavin J. Konop

 

Avec Warden Wayne, Sean Thomas Reid, Moriah Brooklyn, Tuyen Powell, Maxwell Fox, Jack Wooton, John Salandria, Justin Hargrove, Mariah Fox, Paul Logan

 

THEMA SUPER-HÉROS I SAGA SPIDER-MAN

Au départ, rien ne semblait pouvoir distinguer Spider-Man Lotus des milliers de fan films réalisés avec les moyens du bord par des amateurs de l’homme-araignée. Aux Etats-Unis, il ne se passe pas un mois sans qu’un réalisateur en herbe déguise l’un de ses copains en Spider-Man pour le filmer avec sa caméra vidéo ou son smartphone et poste ensuite ses « exploits » sur YouTube. Certains de ces films de fans sont plus soignés que les autres, certes, mais il n’y a pas là de quoi affoler Marvel ou Sony. Et puis voilà que débarque Spider-Man Lotus, qui combat clairement dans une tout autre catégorie. Son metteur en scène, Gavin J. Konop, est encore au lycée lorsqu’il attaque ce projet. Son ambition : réunir 20 000 dollars et consacrer à son super-héros préféré un film extrêmement soigné. Lorsqu’il lance une campagne de financement participatif, la somme initialement prévue gonfle considérablement jusqu’à dépasser les 110 000 dollars ! Avec un tel budget en poche, le jeune homme va pouvoir revoir ses ambitions à la hausse. Mais plus qu’un film spectaculaire, Konop veut réaliser un drame intimiste. Son idée est de raconter les conséquences d’un des épisodes les plus traumatisants de l’histoire de la BD américaine : la mort de Gwen Stacy, la petite-amie de Peter Parker, une histoire écrite par Gerry Conway et dessinée par Gil Kane en 1973, qui marque pour beaucoup la fin d’une certaine innocence dans le monde du comic book.

La longue introduction de 15 minutes sur laquelle s’ouvre Spider-Man Lotus force l’admiration. Un Spidey numérique qui tient franchement la route file à toute allure entre les immeubles de New York, déclenche les radars de police pour cause d’excès de vitesse, prend en chasse trois gangsters puis affronte le Shocker qu’il neutralise non sans mal. S’ensuit une scène intime entre Peter Parker et Gwen Stacy, puis un générique extrêmement graphique sur fond de chanson romantique. Voilà qui s’annonce prometteur et surtout surprenant. Après cette mise en bouche, nous apprenons que Gwen est morte, provoquant une onde de choc émotionnelle dont les répercussions altèrent non seulement le comportement de Peter Parker mais aussi celui de Harry Osborn, Mary-Jane Watson et Flash Thompson. Le drame nous est raconté par le biais de flash-backs furtifs où apparaît un Bouffon Vert grimaçant très proche visuellement de celui du comic book original.

Peter par cœur

Konop élabore alors un film très introspectif conçu comme un voyage initiatique autour de l’acceptation du deuil, bref pas du tout ce qu’on peut attendre d’une aventure classique de Spider-Man. Et c’est justement ce qui rend ce projet si fascinant. Le réalisateur débutant semble plaquer sur le super-héros ses propres doutes, son propre mal-être, comme le firent tant de lecteurs adolescents en découvrant leurs premières aventures dessinées du monte-en-l’air. Pour y parvenir, Konop convoque sa connaissance visiblement encyclopédique de l’univers de Spidey, reprend plusieurs épisodes emblématiques (dont le fameux « The Kids Who Collects Spider-Man » de Roger Stern et Ron Frenz, ou la série « Spider-Man Blue » de Jeph Loeb et Tim Sale), évoque en quelques images les origines du héros et la culpabilité qui forgea sa vocation de justicier et cite dans sa bande originale les thèmes musicaux des séries animées des années 60 et 90. Le film est sans doute trop long, trop lent, trop larmoyant, pas toujours très subtil, pas rythmé comme il faudrait, peut-être même un brin prétentieux . Mais qui aurait cru qu’un réalisateur amateur puisse un jour pondre un Spider-Man « pirate » aussi abouti ? Les films très officiels dirigés par Marc Webb et Jon Watts semblent même gentiment puérils à côté de cet essai certes maladroit mais tellement plus risqué et moins formaté que ceux de ses aînés produits par les grands studios. Saluons donc l’initiative de cet étrange « Lotus » (la fleur qui symbolise la transcendance chez les bouddhistes), dont la mise en ligne gratuite sur YouTube en août 2023 battit des records de visionnage.


© Gilles Penso


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