LE GARÇON AUX CHEVEUX VERTS (1948)

Un orphelin de guerre élevé par son grand-père se réveille un matin pour découvrir que sa tignasse est devenue verte…

THE BOY WITH GREEN HAIR

 

1948 – USA

 

Réalisé par Joseph Losey

 

Avec Dean Stockwell, Robert Ryan, Pat O’Brien, Barbara Hale, Richard Lyon, Walter Catlett, Samuel S. Hinds, Charles Meredith, Regis Toomey, Dwayne Hickman

 

THEMA ENFANTS

Le Garçon aux cheveux verts est le premier long-métrage de Joseph Losey, jusqu’alors très actif dans le milieu théâtral et signataire d’une demi-douzaine de courts-métrages. Pour ses débuts sur le grand écran, il choisit une nouvelle écrite en 1946 par Betsy Beaton, dont il souhaite doubler le sujet premier (une salve contre la discrimination raciale) d’un message ouvertement antimilitariste. Le projet est initié au sein de la compagnie RKO avec la bénédiction du patron de l’époque, le libéral et pacifiste Dore Schary. Mais entretemps, le studio est racheté par Howard Hughes, beaucoup plus conservateur et très peu sensible au discours du film (il fabrique lui-même des munitions, construit des avions et soutient fièrement l’effort de guerre américain). Autant dire que Hughes déteste Le Garçon aux cheveux verts et fait tout pour saboter le montage du film. Peine perdue : Losey et son scénariste Ben Barzman ont été suffisamment prévoyants pour réduire au maximum les possibilités de changements après le tournage. La RKO sort donc le film en salles de mauvaise grâce, sans véritable soutien publicitaire, et le conduit inévitablement à un échec financier. Le Garçon aux cheveux verts ne gagnera ses galons de classique et d’œuvre majeure que plus tard.

Le film donne la vedette à Peter Fry, un garçon d’une douzaine d’années incarné par Dean Stockwell, appelé à devenir un comédien extrêmement populaire sur le grand et le petit écran (le Al de Code Quantum, c’est lui). Peter débarque un soir dans un commissariat, le crâne entièrement rasé, et reste obstinément muet jusqu’à ce qu’un psychologue pour enfants (Robert Ryan) ne parvienne à lui tirer les vers du nez. Peter est le fils d’un couple de militants pacifistes partis autour du monde pour venir en aide aux orphelins de guerre. Il est donc balloté chez des oncles et des tantes négligents jusqu’à atterrir chez son grand-père (Pat O’Brien), un acteur à la retraite qui s’occupe de lui avec bienveillance. Mais un jour, Peter apprend que ses parents sont morts et qu’il est lui-même orphelin de guerre. Le choc de cette nouvelle s’assortit d’un phénomène inexpliqué : le lendemain matin, il se réveille avec les cheveux verts. Désormais, plus personne ne le regarde de la même manière. C’est justement le regard des autres qui sert la métaphore du film. Si le médecin que consulte Peter s’émerveille dans un premier temps face à ce prodige sans précédent (« Tu vas entrer dans l’histoire de la médecine » lui dit-il), les réactions de son entourage passent rapidement de la surprise à l’hostilité. La peur de la différence est bien sûr le terreau de l’intolérance et de la xénophobie, sujet premier de la nouvelle de Betsy Beaton.

Le vert solitaire

Dans une scène témoignant de son désarroi, Peter comprend qu’un garçon aux cheveux verts n’a sa place nulle part en ce monde. Il s’isole alors dans la forêt, se jette au sol et pleure, la teinte de sa tignasse se mêlant l’espace d’un instant à celle de l’herbe qui couvre le sol. Le Technicolor renforce cette fusion entre l’enfant et la nature. Une de ses larmes perle sur une feuille d’un vert éclatant, puis un tableau surréaliste occupe soudain l’écran : les orphelins de guerre, qui apparaissaient sur les affiches d’appel à la solidarité placardés dans son école, prennent vie et corps face à lui. Peter prend alors conscience du rôle qui lui échoit : porter fièrement cette couleur verte (symbole du printemps, du renouveau, de l’espoir) pour crier à la face du monde le refus de la guerre. Hélas, ce vert accusateur va surtout remuer les mauvaises consciences et attiser les rancœurs. Sorti sur les écrans trois ans seulement après la fin de la deuxième guerre mondiale, Le Garçon aux cheveux verts eut fatalement besoin de temps pour être apprécié à sa juste valeur, le temps que les blessures physiques et morales se cicatrisent. Blacklisté à cause de ses sympathies communistes présumées, Joseph Losey quitta les Etats-Unis dans la foulée pour s’installer au Royaume Uni et y poursuivre sa prestigieuse carrière.

 

© Gilles Penso


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