LE MÉDECIN DÉMENT DE L’ÎLE DE SANG (1968)

Frappé d’une étrange maladie, un homme se transforme en monstre assoiffé de sang et attaque les demoiselles dénudées…

THE MAD DOCTOR OF BLOOD ISLAND

 

1968 – PHILIPPINES

 

Réalisé par Eddie Romero et Gerardo de Leon

 

Avec John Ashley, Angelique Pettyjohn, Ronald Remy, Alicia Alonzo, Ronaldo Valdez, Tita Muñoz, Tony Edmunds

 

THEMA MÉDECINE EN FOLIE

Ah, les films d’épouvante philippins des années 60/70 ! C’est tout un poème… Avec leur lot généreux de nudité et d’horreur, ces bandes d’exploitation promptes à tous les débordements ont fait les délices des soirées cinéphiles déviantes sur de nombreux continents. Le Médecin dément de l’île de sang est le troisième d’une série de quatre longs-métrages d’horreur regroupés sous le label « Blood Island », succédant à Terror is a Man et Brides of Blood et précédant Beast of Blood. De cette invraisemblable tétralogie réalisée par Eddie Romero et produite par Kane W. Lynn, Le Médecin dément de l’île de sang est le seul qui ait eut droit à une distribution en salles en France. Produit avec des capitaux américains suite au succès inespéré de Brides of Blood (dans lequel apparaissait déjà l’acteur John Ashley), ce troisième opus a coûté dans les 110 000 dollars. Ça n’est pas grand-chose, certes, mais Eddie Romero (épaulé par son co-réalisateur Gerardo de Leon) s’en contente largement. L’entrée en matière du film donne joyeusement le ton : un monstre interprété par un acteur dont le visage est recouvert d’une bouillie en caoutchouc court après une fille nue dans les bois, tandis que la caméra ne cesse de zoomer dans tous les sens avec une frénésie maladive. Nous voilà conditionnés.

Alors que la peu pudique demoiselle se fait occire par son poursuivant bestial au beau milieu de la jungle d’une île sauvage, un navire accoste dans les lieux avec à son bord Bill Foster (John Ashley), un pathologiste américain aux cheveux gominés façon Elvis Presley qui enquête sur une étrange maladie frappant les autochtones, et Sheila Willard (Angelique Pettyjohn), une blonde vaporeuse à la recherche de son père qui disparaît en cours d’intrigue pour ne réapparaître qu’à la toute fin du film. Sur place, ils font la rencontre du docteur Lorca (Ronald Remy), un savant fou aux allures de docteur Folamour, et de son serviteur colossal, muet et stupide. La galerie de personnages improbables qui s’anime dans le film se complète d’un jeune Eurasien complètement dépassé par les événements dont le père est le fameux monstre découvert en début de métrage, ainsi que d’un médecin alcoolique (Tony Edmunds) qui observe occasionnellement les jouvencelles au bain.

Méfiez-vous d’un trop plein de chlorophylle et de libido !

Dans ce film exotique qui ne peut honnêtement s’apprécier qu’au second degré, les psychologies sont obscures, l’intrigue boiteuse et les dialogues d’une indigence qui confine presque à la poésie. Les beautés locales s’y promènent régulièrement en tenue légère, tandis que le zoom de la caméra se remet régulièrement à paniquer dès que le monstre paraît (un artifice qui permet de moins distinguer la maladresse de son maquillage). Celui-ci, nous apprend le scénario, doit son état actuel à un traitement à la chlorophylle et à une libido accrue ! Un zeste de gore bien saignant à défaut d’être crédible (décapitations, éventrements, démembrements) vient agrémenter le tout, en un festival d’exubérances que rien ne semble pouvoir arrêter. Sorti aux États-Unis en 1969 dans le cadre d’un double programme avec le film d’horreur allemand Le Vampire et le sang des vierges, Le Médecin dément de l’île de sang a acquis avec les années un petit statut de film culte que le réalisateur lui-même a toujours eu du mal à comprendre. « Nous pensons que c’est l’un des pires films que nous n’ayons jamais faits », avouait-il dans la presse plusieurs décennies plus tard. « Je ne m’explique pas son impact auprès du public ! » (1). Nous non plus, à vrai dire. Mais les voies du bis sont parfois impénétrables.

 

(1) Extrait d’une interview réalisée par Andrew Leavold en 2006.

 

© Gilles Penso


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