PUNISHMENT PARK (1971)

Dans des années 70 alternatives gangrénées par la guerre du Vietnam, les prisonniers politiques américains sont soumis à un jeu très cruel…

PUNISHMENT PARK

 

1971 – USA

 

Réalisé par Peter Watkins

 

Avec Jim Bohan, Carmen Argenziano, Stan Armsted, Van Daniels, Fred Franklyn, Gladys Golden, Sanford Golden

 

THEMA POLITIQUE FICTION

Très engagé politiquement, Peter Watkins s’est toujours servi de l’expression cinématographique pour dénoncer les travers de ses semblables et titrer un certain nombre de sonnettes d’alarme. En 1966, il réalisait La Bombe, faux documentaire centré sur une hypothétique attaque nucléaire. Trois ans plus tard, il signait Gladioterna, une fable de science-fiction située dans un avenir proche. Avec Punishment Park, il se lance dans un violent pamphlet antimilitariste, anti-armement et anti-sécuritaire. Soucieux d’adopter la tonalité du « cinéma vérité », il engage des acteurs non professionnels à qui il laisse une large part de liberté. La plupart des dialogues sont donc improvisés sans répétition préalable et s’éloignent du scénario qui, lui-même, est conçu pour laisser un maximum de latitude à chacun. Pour conserver une autonomie totale, Watkins tourne dans des conditions très précaires pendant deux semaines et demie, avec une équipe réduite à huit personnes, une caméra légère 16 mm, des extérieurs naturels captés sur le site d’El Mirage Dry Lake en Californie et un budget estimé à 95 000 dollars. Après le tournage, le réalisateur désature les couleurs afin d’obtenir un rendu proche des images de reportages d’actualité de l’époque.

Punishement Park se déroule dans des années 1970 alternatives au cours desquelles la guerre du Vietnam s’intensifie, le président américain Richard Nixon ayant décidé d’une campagne de bombardement secrète au Cambodge. Face à la montée de virulents mouvements pacifistes, la Maison Blanche décrète l’état d’urgence, autorisant les autorités fédérales à détenir des personnes jugées comme présentant un « risque pour la sécurité intérieure » sans en référer au Congrès. Le scénario du film conte la terrible mésaventure de prisonniers politiques qui se voient offrir par le gouvernement une alternative à leur longue peine de prison : le « Punishment Park », une espèce de jeu de survie en plein air qui consiste, pour les captifs, à parcourir 85 kilomètres sous le soleil du désert californien sans se faire rattraper par les policiers lancés à leurs trousses. Le but à atteindre : un drapeau américain. Ceux qui y parviennent sont libres, ceux qui échouent retournent en prison, ceux qui tentent de s’évader sont abattus… Cette chasse à l’homme a pour vocation officielle d’offrir à certains prisonniers une seconde chance et aux policiers un entraînement efficace.

La course à la mort

Ce postulat évoque plusieurs futures œuvres de science-fiction détournant le principe des Chasses du comte Zaroff, comme par exemple Les Traqués de l’an 2000, Le Prix du danger ou Running Man, si ce n’est qu’ici, tout ce qui peut rappeler la fiction a été soigneusement évacué. Ainsi, même si ce scénario s’appuie sur des faits parfaitement imaginaires, il prend place dans un contexte historique bien réel et prend les allures d’un reportage tourné pour la télévision européenne, conformément aux envies initiales de Watkins. Ainsi, la caméra portée donne sans cesse l’impression de capter des images volées, tandis que le réalisateur commente en voix-off les moments clefs du récit. Le sentiment d’hyperréalisme que dégage le film est donc très inconfortable pour le spectateur, qui oublie parfois avoir affaire à une fiction pure. Le montage de Punishment Park alterne le procès d’un groupe de détenus – accusés d’avoir écrit des textes subversifs, d’avoir déserté ou d’avoir mené des manifestations – avec la cavale d’un second groupe qui a accepté de participer au « jeu ». Le réquisitoire contre les dérives totalitaires et l’escalade de la violence est redoutablement efficace, mais il faut avouer qu’il s’essouffle un peu en cours de route, faute d’une réelle progression dramatique et d’une absence d’évolution dans le discours. Film « coup de poing », Punishment Park reste un reflet fascinant des préoccupations et des inquiétudes de la population américaine au début des années 70.

 

© Gilles Penso


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