BLANCHE-NEIGE ET LES SEPT NAINS (1937)

Le premier long-métrage animé de l’histoire du cinéma était un pari fou et risqué, lancé par un Walt Disney en pleine ébullition créative…

SNOW WHITE AND THE SEVEN DWARFS

 

1937 – USA

 

Réalisé par David Hand, William Cottrell, Ben Sharpsteen, Wilfred Jackson, Larry Morey et Perce Pearce

 

Avec les voix de Adrianna Caselotti, Lucille La Verne, Roy Atwell, Eddie Collins, Pinto Colvig, Billy Gilbert, Otis Harlan, James MacDonald, George Magrill

 

THEMA CONTES

En 1934, Walt Disney, déjà roi incontesté du court-métrage d’animation grâce à Mickey Mouse et aux Silly Symphonies, se lance dans un pari jugé insensé : produire le tout premier long-métrage d’animation sonore et en couleur. Même son frère Roy et sa femme tentent de l’en dissuader. Après tout, qui voudrait rester assis plus d’une heure devant des dessins animés ? Mais Walt n’en démord pas. Convaincu par une expérience vécue en France — où il découvrit une foule s’agglutiner pour voir un programme composé uniquement de ses courts-métrages —, il sent que le public est prêt. Et il a déjà trouvé son sujet : Blanche-Neige, d’après le conte popularisé par les frères Grimm, et surtout inspiré du film muet de 1916 qui l’avait profondément marqué à l’adolescence. Dès le départ, le projet est titanesque. Avec un budget initial de 250 000 dollars — soit dix fois plus qu’un Silly Symphony —, Blanche-Neige va finalement coûter plus de 1,5 million. Il faut tout inventer : développer des personnages sur la durée, intégrer la musique au récit de manière organique, créer une animation fluide capable de transmettre des émotions et une tension dramatique. Les sept nains, anonymes dans les versions antérieures, sont baptisés et dotés de personnalités distinctes pour renforcer leur popularité. « La folie Disney » – selon l’expression alors en vigueur à Hollywood – est en marche…

Dans un royaume lointain, la jeune Blanche-Neige vit sous le joug de sa belle-mère, la Reine, une femme aussi cruelle que vaniteuse, obsédée par l’idée d’être la plus belle du royaume. Chaque jour, telle une émule du Narcisse de la mythologie, elle interroge son miroir magique, mais un matin fatidique, l’objet révèle que Blanche-Neige a désormais surpassé sa beauté. Ivre de jalousie, la Reine ordonne à son fidèle chasseur de conduire la princesse dans la forêt pour la tuer. Pris de remords face à l’innocence de la jeune fille, le chasseur épargne Blanche-Neige et l’exhorte à fuir. Perdue et terrorisée dans une forêt cauchemardesque, Blanche-Neige est recueillie par sept mineurs pas comme les autres : Prof, Grincheux, Simplet, Dormeur, Timide, Atchoum et Joyeux. Charmés par sa gentillesse et sa candeur, les nains acceptent qu’elle reste vivre avec eux en échange de quelques services ménagers et d’une touche de bonne humeur quotidienne. Mais la Reine découvre que Blanche-Neige est toujours vivante. Dévorée par la rage, elle concocte un terrible plan : user de magie noire pour se transformer en vieille sorcière hideuse et tromper Blanche-Neige en lui offrant une pomme empoisonnée…

« Le plus grand film jamais réalisé ! »

Dès les premières minutes, la richesse visuelle du film nous frappe. Chaque décor fourmille de détails, la lumière épouse les ambiances, la forêt devient presque un personnage vivant (comment oublier cette séquence d’épouvante pure où l’héroïne fuit dans une nature devenue cauchemardesque ?). La prouesse est d’autant plus vertigineuse qu’à l’époque, l’idée même d’un film d’animation de plus de 80 minutes était considérée comme une hérésie technique et commerciale. Côté narration, le film est d’une efficacité redoutable, alternant les séquences sombres et les scènes plus légères – en grande partie assurées par les sept nains. Mais Blanche-Neige ne serait pas le chef-d’œuvre qu’il est sans son incroyable Reine, figure terrifiante d’une méchanceté froide, sublimée par une animation plus réaliste que caricaturale. Sa transformation en sorcière reste l’un des moments les plus glaçants de l’histoire du cinéma d’animation. Il faut aussi bien sûr saluer cette bande originale d’une inventivité folle, où les chansons deviennent autant de moteurs narratifs que de respirations poétiques. Achevé seulement quelques jours avant sa sortie, le film est un triomphe absolu. Présenté en avant-première en décembre 1937, Blanche-Neige et les Sept Nains rafle un Oscar d’honneur – une grande statuette et sept petites – et devient le plus gros succès commercial de son époque, dépassé seulement par Autant en emporte le vent. Même Sergueï Eisenstein le qualifiera de « plus grand film jamais réalisé ».

 

© Gilles Penso

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