PRINCESSE MONONOKE (1997)

La quête d’équilibre entre l’homme et la nature est au cœur de ce conte somptueux et tragique, peut-être l’une des plus belles œuvres d’Hayao Miyazaki…

MONONOKE-HIME

 

1997 – USA

 

Réalisé par Hayao Miyazaki

 

Avec les voix de Yôji Matsuda, Yuriko Ishida, Yûko Tanaka, Kaoru Kobayashi, Masashiko Nishimura, Tsunehiko Kamijô, Sumi Shimamoto, Tetsu Watanabe

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I CONTES

Princesse Mononoke est le fruit d’une gestation longue et complexe, débutée dès la fin des années 1970 dans les carnets de croquis de Hayao Miyazaki. Initialement envisagée comme une adaptation sombre de La Belle et la Bête, l’histoire évolue au fil des années pour devenir une épopée mythologique ancrée dans l’ère Muromachi (1333-1573), une période charnière de l’histoire japonaise. Le projet est mis de côté pendant plusieurs années, notamment en raison de son ton jugé trop sombre pour une adaptation télévisée destinée aux enfants. Ce n’est qu’en 1995 que Miyazaki reprend le projet, transformant radicalement l’intrigue et les personnages pour aboutir à une œuvre plus complexe et ambitieuse. Le personnage principal devient Ashitaka, un jeune prince en quête de rédemption, tandis que la princesse San est élevée par des loups et incarne la lutte pour la préservation de la nature. La production du film s’annonce comme un véritable défi technique. Avec plus de 140 000 dessins à réaliser, dont 80 000 retouchés personnellement par Miyazaki, Princesse Mononoke repousse les limites de l’animation traditionnelle. Le film intègre également environ 10 % d’images de synthèse, principalement pour les effets de fluides et de particules, une première pour le Studio Ghibli.

L’histoire s’ouvre sur Ashitaka, un jeune prince d’une tribu reculée, qui est maudit après avoir tué un dieu sanglier devenu démoniaque. Condamné à une mort certaine, il part vers l’ouest à la recherche d’un remède. Son voyage le mène à la rencontre de Dame Eboshi, dirigeante de la forge des forges, une communauté industrielle qui exploite les ressources de la forêt pour prospérer. Eboshi est une femme forte et déterminée, offrant refuge à des femmes autrefois marginalisées et à des lépreux, mais sa quête de progrès menace l’équilibre naturel. Ashitaka découvre également San, une jeune femme élevée par des loups, qui lutte pour protéger la forêt et ses esprits contre les incursions humaines. Pris entre ces deux mondes, Ashitaka cherche à instaurer un dialogue et à rétablir l’harmonie entre l’homme et la nature. Le conflit atteint son paroxysme lorsque les forces humaines et les esprits de la forêt s’affrontent, menaçant de détruire tout sur leur passage. Ashitaka et San doivent alors faire des choix cruciaux pour l’avenir de leur monde.

Danse avec les loups

Rarement film d’animation aura su mêler avec autant de justesse le souffle du grand récit et la complexité morale d’une œuvre adulte. Il ne s’agit pas ici d’une simple lutte entre le bien et le mal, dans la mesure où tous les personnages agissent selon leur propre logique. San, l’héroïne sauvage, incarne la voix de la nature blessée, mais n’est pas exempte de rage destructrice. Dame Eboshi, pourtant responsable de la déforestation, est aussi une figure progressiste, émancipatrice, tournée vers un avenir meilleur pour les opprimés. Quant à Ashitaka, il n’est ni sauveur ni élu. C’est un médiateur imparfait, dont la quête de réconciliation est traversée de doutes. En cela, le film refuse le confort manichéen habituel du récit héroïque. Visuellement, Princesse Mononoke impressionne encore aujourd’hui par la richesse de son animation. Chaque plan fourmille de détails, chaque créature, du Dieu-cerf au sanglier corrompu, est animée avec puissance et subtilité. Le travail sur les textures, les sons organiques, le rythme hypnotique de certaines séquences confèrent au film une dimension quasi spirituelle. La sublime musique de Joe Hisaishi, sous l’influence assumée de la bande originale composée par James Horner pour Braveheart, amplifie cette impression de tragédie antique. Miyazaki livre ici un cri d’alarme percutant sur la rupture entre l’humain et la nature. Mais loin d’un discours pessimiste ou moralisateur, il y injecte des éclats de beauté, d’espoir et de grâce. Princesse Mononoke est un film sans victoire définitive, mais plein de promesses pour ceux qui cherchent à comprendre au lieu de dominer. À sa sortie en 1997, le film rencontre un succès phénoménal au Japon. Très impressionné, James Cameron y puisera allègrement pour bâtir les univers d’Avatar.

 

© Gilles Penso

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