

Pour prolonger la franchise qui a popularisé le genre « rape and revenge », le réalisateur Meir Zarchi donne une suite tardive au tout premier film…
I SPIT ON YOUR GRAVE : DEJA VU
2019 – USA
Réalisé par Meir Zarchi
Avec Camille Keaton, Jamie Bernadette, Maria Olsen, Jim Tavaré, Jonathan Peacy, Jeremy Ferdman, Holgie Forrester, Roy Allen, Alexandra Kenworthy, Terry Zarchi
THEMA TUEURS I SAGA I SPIT ON YOUR GRAVE
Après le film original (I Spit on Your Grave, 1978), son remake (I Spit on Your Grave, 2010), sa suite (I Spit on Your Grave 3: Vengeance is Mine, 2015) et une variation sur le même thème (I Spit on Your Grave 2, 2013), comment faire encore rebondir cette saga vengeresse sans sombrer dans la redite ? En revenant à la source. Tel est le pari de Meir Zarchi, auteur et réalisateur du tout premier opus, qui choisit tardivement d’en proposer une suite directe, ignorant volontairement tous les autres épisodes de la franchise. Camille Keaton reprend ainsi, quarante ans plus tard, le rôle de Jennifer Hills. En réalité, Zarchi nourrit ce projet depuis de nombreuses années, mais la mise en chantier du remake de 2010 et de ses prolongements l’a logiquement freiné dans son élan. Le tournage de I Spit on Your Grave: déjà vu débute le 21 septembre 2015 à Santa Clarita, en Californie, et s’achève six semaines plus tard. Quatre décennies après la violente agression dont elle fut victime et la mort brutale de ses bourreaux, nous apprenons que Jennifer Hills a été acquittée des crimes dont on l’accusait. Elle est désormais une auteure à succès, et mère de Christina (Jamie Bernadette), une jeune femme célèbre elle aussi grâce à sa carrière de top model. Mais plusieurs membres des familles de ses anciens agresseurs ont décidé de la retrouver pour lui faire payer ses actes…


Dès l’entame du film, nous sentons bien que quelque chose ne colle pas. Meir Zarchi nous décrit ses rednecks sous un angle tellement caricatural et excessif qu’ils en perdent toute crédibilité. Le sentiment de menace qui devrait logiquement peser sur nos deux protagonistes s’en trouve fatalement amenuisé. Les motivations des agresseurs restent globalement incompréhensibles (un cocktail nébuleux d’envie de vengeance, de meurtre, de chasse, de fanatisme religieux) et leurs relations entre eux défient la logique. Tout le monde surjoue d’ailleurs dans ce film (la palme en ce domaine revient sans doute à Jonathan Peacy, qui semble sous coke du début à la fin du tournage) et personne n’a l’air de trop y croire, malgré la pleine implication – du moins physique – de Jamie Bernadette qui passe une partie du film intégralement nue. Cette nudité forcée accentue bien sûr le sentiment de vulnérabilité de son personnage, livré à lui-même en plein environnement hostile. Mais le scénario n’en tire aucun véritable parti et passe rapidement à autre chose. Tout le film semble ainsi fait, comme s’il avançait à l’aveuglette, en pilote automatique.
Grand-Guignol
Parallèlement à ce déroulement erratique, Meir Zarchi semble vouloir surligner artificiellement des éléments narratifs qui n’en demandaient pas tant. L’expression « j’irai cracher sur vos tombes », qui sert de titre à tous les épisodes de la franchise, est par exemple visualisée frontalement et de manière très insistante, tout comme le verset « œil pour œil, dent pour dent » (qui est carrément stabiloté en jaune dans les pages d’une bible !). Dans le même esprit, le montage s’encombre de courts flash-backs inutiles puisés dans le premier film et de longs tunnels de dialogues inintéressants qui allongent inutilement la sauce. Le réalisme brut et impitoyable des opus précédents s’est totalement évaporé. On sent d’ailleurs Zarchi enclin à injecter de la comédie dans son film. Comme les effets spéciaux ne sont pas non plus d’une grande finesse, I Spit on Your Grave : déjà vu finit par ressembler à une espèce de spectacle de Grand-Guignol étiré sur 2h30 de métrage. Tiraillé entre le besoin de boucler la boucle et l’envie d’en faire trop, le cinéaste nous livre ainsi le plus anecdotiques des volets de la franchise dont il fut le créateur. La violence y perd son sens et la vengeance n’a plus la force cathartique d’antan.
© Gilles Penso
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