LA CRÉATURE DE LA MER HANTÉE (1961)

Des gangsters volent le trésor national cubain et s’enfuient en mer où ils se heurtent à un invraisemblable monstre visqueux…

CREATURE FROM THE HAUNTED SEA

 

1961 – USA

 

Réalisé par Roger Corman

 

Avec Anthony Carbone, Edward Wain, Betsy Jones-Moreland, Beech Dickerson, Robert Bean, Elisio Lopez, Sonia Noemi Gonzalez, Esther Sandoval

 

THEMA MONSTRES MARINS I SAGA ROGER CORMAN

Roger Corman n’est pas du genre à laisser passer l’occasion de tourner un film à petit budget. Coup sur coup, pendant trois semaines consécutives, notre homme met donc en boîte le film de guerre Battle of Blood Island, la fable d’anticipation La Dernière femme sur Terre et cet improbable Créature de la mer hantée. Un jour de préparation et six jours de tournage, pas un de plus, telle est la discipline à laquelle Corman et son équipe s’astreignent. Tourné à Porto Rico comme les deux films précédents, La Créature de la mer hantée doit mettre en vedette un monstre marin, mais Beach Dickerson, en charge de sa conception, n’a que 150 dollars pour le fabriquer. « Avec Roger, quand les dés sont jetés, il ne vous reste plus qu’à faire ce que vous avez à faire », raconte ce dernier. « Ils venaient tout juste de terminer leur film de guerre, j’ai donc décidé de réutiliser cinq casques et de fabriquer cette tête géante. Puis on a récupéré une combinaison de plongée, de la mousse et des tonnes de grattoirs d’éponge. Ensuite, on a pris des balles de tennis pour faire les yeux, des balles de ping-pong pour faire les pupilles et des cure-pipes pour faire les griffes. On a recouvert le tout de toile cirée noire pour le rendre visqueux. Le résultat était tout à fait somptueux ! Et je dois reconnaître que ce salaud a marché sur la terre ferme et a nagé sous l’eau pendant toute la durée du tournage et qu’à la fin, il a rejoint le paradis. » (1)

La révolution gronde à La Havane. Tandis que la voix off nous annonce une « histoire de vol, de trahison et de meurtre », l’intrigue se met en place : un groupe d’exilés cubains engage le gangster Renzo Capetto (Antony Carbone, qui joue façon Humphrey Bogart) pour faire passer clandestinement un coffre rempli d’or, destiné à financer la contre-révolution et renverser Castro. Capetto, flanqué de sa « poule » Mary Belle Monahan (Betsy Jones-Moreland) et de son jeune frère Jack (Robert Bean), embarque à bord d’un yacht en compagnie de militaires cubains, du cambrioleur Pete Peterson Junior (Beach Dickerson)… et d’un intrus : l’agent américain XK150 (Robert Towne, oui le futur scénariste oscarisé de Chinatown !), infiltré sous l’identité du mafieux Sparks Moran. Mais Capetto a d’autres projets. Il prévoit de s’emparer de l’or pour son propre compte et commence à éliminer les passagers indésirables. Pour couvrir ses crimes, il invente la présence d’un monstre marin légendaire, censé attaquer l’équipage. Tout semble fonctionner… jusqu’à ce qu’un véritable monstre fasse son apparition et sème la panique à bord…

Caoutchouc Monster

Lorsque le film commence, avec cet agent secret qui se cache derrière une fausse moustache et raconte ses états d’âme en voix off (« J’aurais pu me noyer dans ces yeux magnifiques »), Roger Corman s’amuse à détourner les codes du polar et du film d’espionnage, pour mieux les tourner en dérision. Le ton se précise au moment du générique avec une animation déjantée façon Hanna-Barbera, signée par le célèbre dessinateur de Mad Magazine, Sergio Aragonés. Le film bascule alors rapidement dans l’absurde, notamment lorsque le personnage de Pete se met à imiter tous les animaux possibles, grimaces à l’appui. Corman semble s’amuser comme un petit fou, mais cette approche burlesque empêche de s’intéresser aux personnages et à ce qui leur arrive, d’autant que les gags et les traits d’humour ne sont pas particulièrement désopilants et que les péripéties semblent s’improviser au fur et à mesure. La Créature de la mer hantée reste donc très anecdotique. Le film est pourtant entré dans la légende grâce à sa créature aquatique sublimement grotesque. Bizarrement, la promotion du film, et notamment son poster, jouaient à l’époque la carte du film de monstre au premier degré. On imagine la surprise des spectateurs face à cette parodie sans queue ni tête !

 

(1) Extrait de la biographie Comment j’ai fait 100 films sans jamais perdre un centime par Roger Corman et Jim Jerome, publiée en 1990

 

© Gilles Penso

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