

Le studio Disney s’efforce de varier les plaisirs en s’attaquant à la mythologie grecque sous un angle allégé, parodique et anachronique…
HERCULES
1997 – USA
Réalisé par Ron Clements et John Musker
Avec les voix de Tate Donovan, Josh Keaton, Danny DeVito, James Woods, Susan Egan, Bob Goldthwait, Matt Frewer, Rip Torn, Samantha Eggar, Barbara Barrie
THEMA MYTHOLOGIE
En 1997, après les envolées lyriques de Pocahontas et la noirceur gothique du Bossu de Notre-Dame, Disney change radicalement de registre. Fini les dilemmes existentiels et les fresques solennelles : place à une aventure colorée, décomplexée et pétaradante. Avec Hercule, le studio tente de retrouver le grain de folie d’Aladdin et de séduire un public avide d’humour et de rythme effréné. Aux commandes, on retrouve d’ailleurs le même duo gagnant, Ron Clements et John Musker, déjà artisans des facéties du Génie. Mais cette fois, plutôt que de plonger dans les contes des Mille et Une Nuits, ils s’attaquent à un monument autrement plus intimidant : la mythologie grecque. À l’origine, l’équipe envisage d’adapter L’Odyssée d’Homère, un texte foisonnant mais aux accents tragiques, finalement peu compatible avec l’esprit léger recherché par la maison de Mickey. Le projet est donc abandonné au profit d’un terrain à priori plus souple : la légende d’Hercule. La mythologie est allégée, triturée, remodelée pour correspondre aux codes du divertissement familial. Exit Héra la jalouse ou les tourments sanglants des récits originaux. Hadès devient le méchant parfait, cynique, bavard et hautement théâtral. L’Olympe prend des allures de cabaret céleste, et le destin du héros se mue en parcours initiatique semé de gags, de chansons et de monstres cartoonesques.


Le cœur du film repose sur une intrigue simplifiée à l’extrême. Hercule, adolescent gauche et rejeté, cherche à comprendre sa différence. Doté d’une force colossale qu’il ne maîtrise pas, il doit apprendre à canaliser ses pouvoirs pour devenir non seulement un champion, mais surtout un véritable héros, digne de rejoindre ses parents divins sur l’Olympe. Ce récit initiatique, proche de celui des super-héros contemporains (référence parfaitement assumée par les deux réalisateurs, fans de comics), est manifestement conçu pour permettre aux jeunes spectateurs de s’identifier à un personnage maladroit en quête de sens. Le parallèle avec les stars du sport, transformées en demi-dieux médiatiques, est souligné de manière insistante à travers une avalanche de produits dérivés vendus à l’effigie du héros. La finesse n’est pas vraiment au rendez-vous, même si Disney semble opérer ici une mise en abyme ironique en se moquant de son propre empire marketing.
Mytho Man
Pour accompagner ce virage vers la fantaisie débridée, Disney fait appel à Gerald Scarfe, un caricaturiste britannique connu pour ses illustrations acides et sa participation au film The Wall des Pink Floyd. Ses coups de crayon anguleux, exagérés, parfois grotesques, offrent à Hercule une identité graphique singulière, loin du classicisme des précédents Disney. Mais ce choix radical est très discutable. Sous prétexte de fraîcheur et d’originalité, la majesté due aux monstres et merveilles des mythes antiques est abandonnée au profit d’un rendu caricatural visuellement peu attrayant. Dans un esprit voisin, le casting vocal est poussé dans ses retranchements. Danny DeVito, en satyre bougon chargé d’entraîner le héros (ce sera Patrick Timsit dans la VF) joue la carte du faire-valoir renfrogné et gorgé de mauvaise foi. James Woods, lui, prête son débit de mitraillette et son énergie corrosive à Hadès en improvisant largement. L’acteur semble s’amuser comme un fou, certes, mais l’on ne peut s’empêcher de trouver cette relecture du redoutable dieu des Enfers complètement à côté de la plaque. La musique, confiée à Alan Menken (déjà auteur des partitions d’Aladdin et La Belle et la Bête), est à l’avenant : adieu les envolées orchestrales, place au gospel ! Sorti en plein été 1997, Hercule se heurte à une concurrence redoutable. Men in Black écrase le box-office et relègue le demi-dieu au second plan. Moins rassembleur que Le Roi Lion ou Aladdin, le film ne parvient pas à s’imposer comme un triomphe financier. Sans doute ce mélange d’humour anachronique et de culture pop est-il agencé de manière bien trop artificielle pour convaincre. Dommage : la légende d’Hercule offrait un formidable potentiel qui n’aura été ici qu’effleuré avec beaucoup de maladresse.
© Gilles Penso
À découvrir dans le même genre…
Partagez cet article