LA CHOSE À DEUX TÊTES (1972)

Un scientifique raciste, atteint d’une maladie incurable, se retrouve avec la tête greffée sur le corps d’un condamné à mort afro-américain…

THE THING WITH TWO HEADS

 

1972 – USA

 

Réalisé par Lee Frost

 

Avec Ray Milland, Roosevelt Grier, Don Marshall, Roger Perry, Kathrine Baumann, Chelsea Brown, Lee Frost

 

THEMA MÉDECINE EN FOLIE

Réalisateur prolifique dans les sphères les plus interlopes du cinéma américain, Lee Frost n’est pas un inconnu pour les amateurs de « mondo », de « nudies » et autres excentricités grindhouse. Citer quelques-uns de ses titres de gloire permet de mieux comprendre à qui nous avons affaire : Le Vampire érotique, Le sexe et l’amour, Mondo Bizarro, L’Éperon brûlant, Le Camp spécial n°7, Excitation, Female Factory… Avec La Chose à deux têtes, il applique la même logique racoleuse à un postulat de science-fiction délirant. Le scénario est co-écrit avec Wes Bishop (Course contre l’enfer) et James Gordon White (Bigfoot). Ce dernier semble recycler ici le script qu’il concocta pour Amok, l’homme à deux têtes, réalisé par Anthony M. Lanza, pour raconter l’histoire du docteur Maxwell Kirshner (Ray Milland), chirurgien de renom spécialisé dans les transplantations et atteint d’un cancer incurable. Obnubilé par sa propre survie, ce génie de la médecine fait greffer sa tête sur un autre organisme, mais se réveille pour découvrir, horreur suprême pour cet homme profondément raciste, que le corps qui le porte désormais est celui d’un Afro-américain : Jack Moss (Roosevelt « Rosey » Grier), un colosse condamné à mort qui clame son innocence.

Dès lors, le film se mue en course-poursuite abracadabrante où les deux têtes cohabitent tant bien que mal sur le même corps, via un « buddy movie » d’un genre très bizarre. Jack, qui veut prouver son innocence, s’échappe de l’hôpital, flanqué de son encombrant passager crânien. Kirshner, quant à lui, cherche à retrouver ses assistants pour transférer sa tête sur un hôte « plus convenable », selon ses standards rétrogrades. La Chose à deux têtes peut être considéré, à sa modeste manière, comme un pamphlet contre le racisme et la peur de l’autre. Mais c’est surtout une farce grotesque truffée de scènes d’action improbables (dont une poursuite en moto qui semble durer une éternité), de dialogues saugrenus et de situations invraisemblables. La performance excessive de Ray Milland mérite une mention spéciale. Acteur oscarisé dans une autre vie (Le Poison en 1945), il incarne ici un personnage délicieusement détestable. Roosevelt Grier, ex-footballeur américain reconverti au jeu d’acteur (et accessoirement frère de Pam Grier), joue de son côté son rôle avec un mélange d’énergie brute et d’incrédulité.

Des effets très spéciaux

Mais ce qui rend le film vraiment inoubliable, c’est la manière dont Lee Frost gère les effets spéciaux. Dans les plans larges, Grier porte une prothèse à l’effigie de la tête de Milland, collée à son épaule avec autant de réalisme qu’un accessoire de fête foraine. Lors des scènes dialoguées filmées en gros plan, les deux acteurs partagent un même costume surdimensionné, dissimulant tant bien que mal le subterfuge. Le résultat est tellement visible qu’il en devient hilarant. Et pourtant, malgré (ou grâce à) son trop-plein d’absurdités, La Chose à deux têtes a quelque chose de délectable, comme ces « accidents de cinéma » que l’on regarde les yeux écarquillés, partagé entre le rire et la consternation. Sa mise en scène minimaliste, ses effets très spéciaux (ah, le fameux gorille bicéphale !), ses dialogues impensables et ses traits d’humour (volontaires ou non selon les scènes) en font une œuvre précieuse pour les amateurs de curiosités. La Chose à deux têtes parvient ainsi à dépasser son statut de simple bizarrerie racoleuse pour s’inscrire dans la pure tradition du cinéma d’exploitation américain des années 70 où tout était permis, où la provocation primait sur la logique et où l’audace l’emportait souvent sur le bon goût.

 

© Gilles Penso

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