

Le « maître des ghoules » et la « princesse de la nuit » convoquent toute une série de créatures dénudées dans cette curiosité écrite par Ed Wood…
ORGY OF THE DEAD
1965 – USA
Réalisé par Stephen C. Apostolof
Avec Criswell, Fawn Silver, Pat Barrington, William Bates, Mickey Jines, Barbara Nordin, Bunny Glaser, Nadeja Klein, Coleen O’Brien, Lorali Hart, Rene De Beau
THEMA FANTÔMES I MOMIES I LOUPS-GAROUS
Après avoir livré quelques perles du cinéma fantastique fauché risibles au second degré (La Fiancée du monstre, Plan 9 From Outer Space, La Nuit des revenants), Ed Wood s’est peu à peu éloigné de l’horreur et de la science-fiction pour œuvrer dans le cinéma érotique d’exploitation. Son CV finit par attirer l’attention du producteur et réalisateur Stephen C. Apostolof qui lui propose d’écrire pour lui le scénario d’Orgie macabre, d’après un de ses romans, en échange de quelques centaines de dollars. Taillé sur mesure pour Wood, ce film prend un prétexte fantastique évasif pour enchaîner les vignettes érotiques musicales dans un décor de cimetière nocturne. Nous voilà donc à mi-chemin entre les coquineries horrifico-surréalistes d’un Jess Franco ou d’un Jean Rollin, les spectacles burlesques de cabaret et les numéros de strip-tease d’une soirée Halloween déviante. Très investi, Wood assure la direction de production du film, joue les assistants sur le plateau et même les directeurs de casting. Voilà pourquoi le rôle principal échoit à Criswell (alias Charles Criswell King), l’un de ses acteurs fétiches, cumulant à l’époque les activités de journaliste, d’animateur radio et de médium !


Criswell est donc le narrateur de cette étrange histoire. Allongé dans un cercueil et vêtu comme un Dracula d’opérette, il est libéré par deux hommes musclés en pagne qui le laissent dans sa crypte après avoir retiré le couvercle. Il se redresse alors, se présente comme le « maître des ghoules » et nous annonce une nuit agitée. Changement de décor : alors qu’ils roulent sur une route désertique de Californie, Bob (William Bates) et Shirley (Pat Barrington) se disputent. Bob est un écrivain d’horreur qui espère que le décor d’un cimetière la nuit lui apportera l’inspiration, ce qui n’est pas vraiment du goût de sa petite amie. La conversation prend fin lorsque Bob quitte accidentellement la route et tombe dans un ravin. A leur réveil, ils décident de chercher de l’aide et s’aventurent dans les bois jusqu’à un cimetière enveloppé de brouillard. Là, le « maître des ghoules » invoque sa « princesse de la nuit », la ghoule noire (Fawn Silver). Tout-puissant, il s’apprête à convoquer de nombreuses créatures d’outre-tombe pour un spectacle qu’il espère divertissant, faute de quoi il bannira leurs âmes vers la damnation éternelle.
La sarabande nocturne
Absolument pas crédible en maître de cérémonie autoritaire et maléfique, Criswell en fait des tonnes, lisant ses longs monologues sur des panneaux tenus par Ed Wood lui-même, ce qui explique son regard souvent fuyant et ses expressions bizarres. Le personnage de la « princesse des ténèbres » était à l’origine écrit pour Maila Nurmi alias Vampira, qui jouait déjà une créature blafarde dans Plan 9 From Outer Space. Mais le rôle est finalement tenu par Fawn Silver, dans une tenue que reprendra presque telle quelle Cassandra Peterson lorsqu’elle créera le personnage d’Elvira – justement inspiré de Vampira. Pas beaucoup plus convaincante que Criswell, elle assiste avec lui à une série de numéros déshabillés d’une parfaite gratuité : une Indienne qui danse mollement à côté d’un feu de camp au son de chants tribaux, les trémoussements d’une prostituée aux allures de gitane dévergondée, une reine égyptienne ondulant à côté de deux serviteurs qui lui jettent de l’or (son corps finit entièrement doré, référence évidente au personnage campé par Shirley Eaton dans Goldfinger), une femme vaguement déguisée en chat, une prisonnière échappée de sa geôle, une adepte du flamenco qui fait des mamours à un crâne, une danseuse des caraïbes, une femme en robe de mariée qui s’agite devant le squelette de son époux, une morte-vivante aux gestes raides… Au beau milieu de cet enchaînement de chorégraphies dévêtues, une momie et un loup-garou aux maquillages approximatifs jouent les trublions comiques, jusqu’à ce que le jour se lève et chasse toute cette sarabande nocturne. Ah, chantera-t-on assez les vertus poétiques de l’œuvre d’Ed Wood ?
© Gilles Penso
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