AZUR ET ASMAR (2006)

Après les plaines africaines et les palais princiers, Michel Ocelot nous offre un conte oriental se réappropriant l'univers des Mille et Une Nuits…

AZUR ET ASMAR

 

2006 – FRANCE

 

Réalisé par Michel Ocelot

 

Avec les voix de Cyril Mourali, Karim M’Riba, Hiam Abbass, Patrick Timsit, Rayan Mahjoub, Abdelsselem Ben Amar, Fatma Ben Khell, Thissa d’Avila Bensalah

 

THEMA MILLE ET UNE NUITS

Avec Azur et Asmar, Michel Ocelot se lance dans l’un de ses projets les plus ambitieux : un long métrage d’animation en images de synthèse, coproduit entre la France, la Belgique, l’Italie et l’Espagne. Après les succès de Kirikou et la sorcière et Princes et Princesses, Ocelot change de registre technique sans renoncer à ses goûts artistiques. Habitué jusque-là aux silhouettes et aux dessins traditionnels, il s’associe à l’occasion avec le studio Mac Guff, futur artisan de Moi, moche et méchant. Présenté au Festival de Cannes avant sa sortie en salles le 25 octobre 2006, Azur et Asmar séduit plus d’un million et demi de spectateurs et s’impose comme une référence du cinéma d’animation européen. Né en 1943 et formé aux Beaux-Arts, Michel Ocelot s’est toujours distingué par une vision artisanale et poétique de l’animation. Avec Azur et Asmar, il imagine une fable universelle ancrée dans la Méditerranée, berceau de multiples civilisations. Loin des clichés orientalistes de certaines productions occidentales, il rend hommage à une culture arabe qu’il décrit avec précision et respect. Ce souci du détail confère à son film une authenticité rare, saluée par la critique et récompensée, entre autres, par le prix du meilleur long métrage d’animation au Festival international du film d’animation de Stuttgart en 2007.

L’histoire débute dans la France médiévale. Azur, blond aux yeux bleus, est le fils d’un riche seigneur. Asmar, brun au regard sombre, est le fils de Jenane, la nourrice d’Azur. Élevés comme deux frères, les enfants partagent les mêmes jeux et les mêmes rêves, notamment celui de retrouver un jour la « Fée des Djinns », héroïne des contes que leur raconte Jenane. Mais leur amitié est brisée lorsque le père d’Azur renvoie la nourrice et son fils, jugeant cette proximité inconvenante. Les années passent. Devenu adulte, Azur décide de traverser la mer pour retrouver Jenane et chercher la fameuse fée. Il découvre alors un pays éclatant de lumière et de couleurs, mais aussi plein de dangers. Là, il retrouve Asmar, désormais adulte lui aussi, qui poursuit la même quête, non sans rancune envers celui qu’il considère comme un usurpateur. Véritable conte initiatique, Azur et Asmar parle de fraternité, de déracinement, de tolérance et de réconciliation entre les cultures. À travers l’opposition visuelle entre le Nord et le Sud, entre le froid du château et la chaleur des bazars orientaux, Ocelot esquisse un parcours symbolique où l’ouverture d’esprit devient la clé de la sagesse. Jenane, figure maternelle et messagère de paix, incarne la voix du réalisateur lorsqu’elle déclare : « Vous connaissez deux pays, deux langues, deux religions : vous en savez deux fois plus que les autres. » Le message est limpide : la diversité est une richesse, non une menace.

Deux pays, deux langues, deux religions

Sur le plan visuel, Azur et Asmar marque une étape charnière dans la carrière d’Ocelot. C’est son premier film entièrement conçu en images de synthèse, une technique qu’il avait commencé à toucher du doigt avec Kirikou et les bêtes sauvages. L’animation conserve un aspect volontairement très stylisé. Les personnages évoluent dans des décors d’une richesse picturale rare, inspirés des miniatures persanes et de l’art islamique. On peut certes reprocher aux visages de ses protagonistes une certaine rigidité et à l’animation globale un rendu un peu « plat », pour ne pas dire austère. Mais il faut bien avouer que la beauté des environnements (jardins luxuriants, souks chatoyants, palais ciselés) compense largement cette réserve. Le film séduit aussi par sa bande originale, signée par le compositeur franco-libanais Gabriel Yared. Sa musique, mêlant instruments traditionnels arabes et orchestrations occidentales, accompagne avec grâce la quête spirituelle des deux héros. Cerise sur le gâteau : les voix de Hiam Abbass, Patrick Timsit et Cyril Mourali dotent le film d’une touche bienvenue de chaleur et d’humour. Loin des standards hollywoodiens, Ocelot signe avec Azur et Asmar une œuvre volontairement contemplative, plus attachée à sa poésie qu’au rythme frénétique qui régit la grande majorité de films d’animation de l’époque.

 

© Gilles Penso

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